Figures de la Résistance et de déportation jurassienne

 Vous trouverez dans cette catégorie des fiches concernant des Résistantes et Résistants jurassiens ainsi que des déporté(e)s du jura.

 

Les dames Bergerot

 

Nous ne pouvions que vous présenter ces trois sœurs ensemble.

Marie-Louise Wurtz, née Bergerot le 9 février 1882 à Limoges est sans profession. Elle est veuve de guerre, son mari, officier, ayant été tué lors de la première guerre mondiale.

Marguerite Bergerot, elle, est née le 23 mars 1886 à Chalon sur Saône, elle est célibataire.

Cécile Bergerot, est née le 16 mai 1893 à Chalon sur Saône, elle est célibataire et sans profession.

 

Venues de la région parisienne avec leur mère dans les années trente, elles s’installèrent au Château du Bas, à Villevieux, près de Bletterans, quelques années avant la guerre de 39/45. Cette maison bourgeoise entourée d’un parc, clos d’un grand mur, était leur résidence secondaire puis deviendra leur demeure principale, ainsi qu’un lieu d’hébergement pour les personnes pourchassées en quête d’un refuge provisoire mais sûr. Elles sont issues d’une famille qui a porté très haut les valeurs patriotiques et qui a payé un lourd tribut à la France. Leur père, lieutenant-colonel, leurs deux frères, l’un capitaine, l’autre lieutenant, tous deux Saint Cyriens, ont été tués dans les deux premières années de la première guerre mondiale. Toujours vêtues de noir, les dames portaient le deuil des hommes de leur famille. Elles n’avaient comme ressources que la pension de veuve d’officier que recevait Marie-Louise.

 

La région de Villevieux-Bletterans, zone de plaine, relativement proche de Lyon (capitale de la Résistance) compte plusieurs terrains d’atterrissage clandestins sélectionnés par le SOE (Special Operation Executive, créé par Winston Churchill) et permettant des liaisons avec Londres. Lorsque en 1941 Fernand Marillier, alias « Paul », fromager, devenu chef local de la section d’atterrissages et parachutages, vint leur demander de se mettre au service de la résistance qu’il dirige dans le secteur, elles s’impliquent sans hésiter dans le réseau. Elles mettront leur personne et leur demeure au service de la Résistance, elles accueilleront clandestinement dans leur demeure les blessés que soigneront les médecins résistants, les docteurs Jean Michel de Lons le Saunier et Perrodin de Bletterans de nombreux blessés. Elles s’engagent au réseau FFC (Force Française combattante), deviennent agent de grade P1 dès le 1er janvier 1942, puis P2 en juillet de la même année, chargées de mission de 3ème classe, puis « grandes correspondantes » avec le grade de sous-lieutenant. De 1942 à 1944, elles hébergeront avec peu de moyens et peu d’aide des personnalités de la Résistance en transit vers Londres. Citons : Yvon Morandat, Jean Moulin, le général Delestraint, Lucie et Raymond Aubrac et leur fils, Marc Rucard, Emmanuel et François d’Astier de la Vigerie, Henri Benazet, Henri Frenay, Jean-Pierre Lévy, Albert Gazier, Valentin Abeille, six gendarmes brigadier en tête, plus de 50 personnes séjournèrent au Château durant cette période.Chateau des dames Bergerot

 

En entendant tinter les cailloux contre les fenêtres de leurs chambres situées à l’étage, les trois dames du château se levaient rapidement et descendaient pour accueillir leurs visiteurs nocturnes. Depuis que se répétait cet étrange manège, les trois sœurs avaient pris l’habitude de ces réveils en sursaut dans les nuits froides et venteuses.

 

Elles racontaient : « Nous étions rarement prévenues à l’avance. En nous levant, nous pensions seulement : Tiens, il y a eu un atterrissage cette nuit ! Quelquefois, c’était au contraire en vue d’un prochain départ sur les terrains de Courlans, de Ruffey ou de Cosges qu’on nous amenait des hôtes. »

Elles étaient trois à descendre, en pantoufles, frileusement enveloppées dans leurs robes de chambre. D’abord l’ainée, Marie-Louise, puis ses sœurs Marguerite et Cécile.

 

Le 17 novembre 1942, d’Astier et Frenay atterrissent à Courlaoux. Ce dernier témoigne :

 « Nous sautons à terre, deux voyageurs s’apprêtent à prendre notre place…. Une voiture nous emmène. Le conducteur et son voisin sont des inconnus. Aucun mot n’est échangé. Un quart d’heure après nous entrons dans un parc, la voiture s’arrête devant une maison cossue. A l’intérieur, malgré l’heure tardive, des vieilles dames nous accueillent ».

Lucie Aubrac a relaté des moments passés à Villevieux dans un de ses livres:

 « La journée du 8 décembre 1943 dans l’après-midi on nous prévient que nous changeons encore de refuge. Nous voilà à Villevieux. Nous arrivons de nuit et laissons la voiture dans un chemin creux. Une petite porte en bois ouvre sur un parc mal entretenu. Sous de grands arbres, les feuilles mortes en épais tapis étouffent nos pas. Un chien jappe à notre arrivée : « Tais-toi, Maréchal.» C’est la première phrase que nous entendons, avant d’entrer. L’énorme suspension à un mètre au dessus de la table est équipée d’une seule ampoule. Trois dames nous accueillent, trois sœurs parfaitement à l’aise devant les inconnus que nous sommes. Boubou notre fils est endormi dans les bras de son père. « Couchez-le dans ce fauteuil, dit l’ainée. Accrochez vos manteaux à coté, ne mettez rien sur ce lit, les chiens y dorment, sauf Maréchal. Il est trop vieux pour y grimper. La pauvre bête a quelques incontinences et ne sait plus trop ce qu’elle fait. »

Le sous-entendu est clair. Notre accompagnateur Charles-Henri sourit et nous dit « Ces demoiselles n’aiment pas le maréchal Pétain ». Paul Rivière alias Charles-Henri était le responsable du service atterrissage et parachutage pour une grande partie de la France.

En 1941, avec leur franc-parler, leur patriotisme affiché, elles ont interpellé un dimanche le curé qui, en chaire, prêchait pour l’état nouveau et la collaboration. A la suite de quoi Fernand Marillier, est venu leur faire visite. Elles l’ont reçu cérémonieusement. Lui, gêné a commencé à parler de Résistance. Marie-Louise l’a très vite interrompu : « Nous nous demandions quand vous vous décideriez à nous contacter. Très bien, à partir de maintenant, vous êtes notre chef. Nous vous obéirons. Qu’attendez-vous de nous ? »

Le fromager a raconté son entrevu à Charles-Henri. Celui-ci a compris l’aubaine que représentait ce château isolé. Dès qu’il les a vues, il a apprécié le courage, la simplicité et la détermination de ces trois demoiselles, comme on dit. »

 

Dans la nuit du 8 février 1944, sur le terrain Orion à Cosges atterrissait un avion Hudson. Sept personnes dont Lucie Aubrac, enceinte de 8 mois, son mari et son fils devaient embarquer. L’avion s’embourbe. L’équipe fait appel aux agriculteurs du village qui, avec leurs bœufs, des planches et beaucoup d’énergie parviennent à sortir l’avion du bourbier. Pour alléger l’appareil, seuls les Aubrac et un aviateur prirent place à bord, Lucie devait accoucher peu de temps après à Londres.

Evoquant Jean Moulin, les trois sœurs disaient de lui qu’il était un charmeur, doté d’une grande culture et d’une grande distinction. Jamais elles ne lui posèrent de questions. Le soir du départ il questionna :

 « Mesdames, comment arriverons-nous à vous remercier pour tout ce que vous faites pour la France ? »

L’une répondit avec humour : « Nous serons nommées cantinières d’honneur de la Résistance et nous finirons nos jours à l’hôpital, comme la marraine des poilus de 14/18 ».

Lorsqu’elles furent âgées, malades, sans argent, peu de ces personnes ayant bénéficié de leur générosité, de leur courage s’en sont souvenues. Parmi ces exceptions citons Raymond et Lucie Aubrac qui sont revenus plusieurs fois pour leur rendre visite. Ils ont d’ailleurs transmis la mémoire des sœurs Bergerot jusqu’à leur mort. Mais ces dames, « oubliées de l’histoire» n’eurent droit ni aux honneurs, ni à la gloire …

Seuls les Anglais ce montrèrent reconnaissants des services rendus aux agents de l’intelligence service, du SOE, et aux pilotes de la RAF en décernant aux trois vieilles dames un laurier d’argent et en les faisant membres à vie de la « Royal Air Force Escaping Society ». Coté français, la récompense officielle se fit attendre. C’est avec discrétion que s’éteignirent les demoiselles Bergerot. Cécile la dernière à disparaitre à l’âge de 84 ans durant l’été 1977 fut faite in extremis chevalier de la légion d’honneur quelques semaines avant sa mort. Cette citation fût lue sur la tombe de mademoiselle Cécile lors de ses obsèques le 14 septembre 1977 à Villevieux à l’occasion de la remise à titre posthume de la croix de la légion d’honneur: « Magnifique figure de femme résistante, fidèle à un passé d’honneur que lui avait légué plusieurs générations d’officiers. Entrée dans la résistance en février 1941, elle se consacra entièrement, en compagnie de se deux sœurs, à une œuvre obscure, dangereuse et indispensable : elle hébergea et soigna dans son château de façon continue et jusqu’à la libération des patriotes et des maquisards traqués ou blessés. Habitant près du plus important terrain d’atterrissage de la zone sud, elle abrita pendant près de 15 jours chaque mois des personnalités en partance pour Londres et notamment Jean Moulin et le général Delestraint. 

Dévouée et courageuse jusqu’au sacrifice, elle ne vivait que pour cette tâche qu’elle considéra jusqu’à la fin comme un devoir patriotique et qu’elle remplit sans défaillance avec une conscience, un désintéressement et un amour dont est seule capable une femme. »

Raymond Aubrac cimetière de Villevieux - 2009

 

 

 

Raymond Aubrac au cimetière de Villevieux en 2009 affirmait :

« Il est inutile de vous dire combien je suis ému d’être ici devant les tombes des trois dames Bergerot. C’étaient des personnages incroyables. Il est impossible de les classer dans le temps, ce sont des personnages intemporels, ce sont des femmes qui ont toujours existées, dans toutes les guerres, dans toutes les difficultés, dans toutes les aventures humaines, et ce sont des femmes comme je le crois il en existera toujours. Finalement c’est un extraordinaire privilège de les avoir connus et d’avoir bénéficié de leur générosité. »

 

Paul Caseau RésistantPaul Caseau, est un ancien combattant de la première Guerre Mondiale. Il avait contracté un engagement volontaire le 2 septembre 1914, il a été blessé à deux reprises, fait prisonnier, puis il a réussi à s’évader, ce qui lui a valu une Citation à l’ordre du Corps d’Armée et la Médaille des évadés. Après avoir terminé sa carrière d’enseignant à Trenal, il se retire à Chilly-le-Vignoble pour y passer une retraite bien méritée. Après l’invasion de la zone libre par les troupes allemandes, il contacte début 1943 Henri Clavier dont le domicile, devenu par la suite véritable intendance, servait fréquemment de cachette pour des stocks de toute sorte, notamment de l’essence destinée aux groupes et maquis de la région dont le plus proche était le groupe « Pigeon » du secteur de Beaufort.
CHILLY- LE- VIGNOBLE


Au fil des mois ce petit noyau de résistants commandé par Paul Caseau comptait 18 résistants à Chilly-le-Vignoble, plus une quinzaine d’hommes à Trenal. L’activité de ces patriotes s’organise et s’oriente vers la récupération des parachutages aux environs du village.
Le premier de ces parachutages a lieu dans « la plaine en Rondey » en février 1944, suite au message « son pull over est chaud ». Le second, à Trenal, en avril 1944, suite au message « son manteau est plein de poils et sera brossé deux fois » (2 avions). Les armes et munitions sont stockées chez Henri Clavier avant d’être dispatchées dans les différents maquis.
Après le débarquement en Normandie, le plan « tortue » est appliqué pour ralentir les déplacements de la garnison allemande de Lons-le-Saunier. Le commandement FFI ordonne l’établissement de barrages dans le département. Trois barrages sont installés sur la commune de Chilly-le-Vignoble avec la participation armée des résistants. Cette situation est de courte durée car les services préfectoraux ont une connaissance exacte de ces emplacements, et de plus, une colonne allemande est signalée faisant route vers Lons-le-Saunier. Force est d’évacuer les barrages, de rassembler les armes qui sont transférées par les soins des jeunes de Chilly au groupe « Pigeon » dont le PC était installé à l’Abergement-Rosay près de Beaufort. Face à cette nouvelle situation, Paul Caseau juge son retour à Chilly dangereux, il rejoint la SAP (Section des Atterrissages et Parachutages) du Jura, établie sur le territoire de la commune de Villard d’Héria près de la commune de Moirans. Sur dénonciation, une opération de représailles a lieu à Chilly-le-Vignoble le 9 juillet 1944 au petit matin. L’occupant aidé de miliciens arrête 13 personnes et incendie la maison Caseau. Sur les treize personnes arrêtées, 6 seront relâchées le 10 juillet, 2 le 14 juillet, mesdames Basset et Clavez seront retenues environ 3 semaines, mais 3 resteront incarcérées : Robert Bon, Robert Caravillot et Georges Cannard. Les deux derniers, subiront des interrogatoires musclés, ils seront libérés le 24 août 1944 à la veille de la libération de Lons-le-Saunier.


Le 10 juillet 1944 une puissante formation allemande partait de Lons-le-Saunier dans le but évident d’anéantir la Résistance armée cantonnée dans le Haut-Jura. Il s’agissait de la 157ème Division allemande de Réserve rendue tristement célèbre par les atrocités qu’elle commit dans cette contrée et la Haute-Savoie et l’Ain. Le groupe où était Paul Caseau avait reçu l’ordre de se replier à la limite du département de l’Ain. C’est au retour que plusieurs hommes détachés du groupe et empruntant un itinéraire différent, furent surpris par une patrouille allemande à proximité de Molinges. Si ses deux camarades purent s’échapper, il n’en fut rien pour Paul Caseau, il fut conduit à Molinges où il aurait été reconnu par un milicien accompagnant les nazis. Soumis à un interrogatoire et abominablement torturé au cours de la nuit, il a été fusillé le lendemain de son arrestation, le 14 juillet 1944. Sa bravoure lui valu l’attribution de la Médaille de la Résistance, de la Croix de guerre avec palme et les promotions au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur et du grade de Sous Lieutenant FFI.Annette et Paul Caseau Résistants

 


Annette Caseau, née en 1898, institutrice en retraite, est membre du groupe dirigé par son époux pour lequel elle héberge des passagers clandestins utilisant les terrains clandestins de la région de Bletterans. Après l’exécution de son époux, elle poursuit le combat, sera élevée au grade de Capitaine FFI et sera récompensée par l’insigne de la Légion d’Honneur. Lors du passage chez elle de Lucie Aubrac et de son fils Jean-Pierre, en attente d’un départ pour Londres, Annette est très attentive à la santé de Lucie qui est enceinte. Elle la conduit en consultation chez le docteur Michel, médecin de la Résistance assassiné par les nazis le 26 avril 1944. Annette Caseau et sa jeune fille Edmée, qui avaient quitté leur domicile avant l’opération de répression du 9 juillet, ne durent leur salut qu’au courage et à l’hospitalité de Marcel Girard, propriétaire d’un café place de la Liberté à Lons-le-Saunier.

 


Paul Caseau, Annette Caseau et leur fille Edmée sont enterrés au cimetière de Chilly-le-Vignoble. En 1973, Edmée Caseau Baranski a publié un recueil de poèmes dans lequel figurent deux poèmes en hommage à ses parents et à la Résistance, intitulés « Rebelle » et « le terroriste ». En voici un :

 

 

 

 

 

 Poésie d’Edmée Caseau Baranski: REBELLES

Qu’était-ce vivre ?
En ce temps-là c’était mourir.
C’était la lutte âpre et féroce
Pour la grande liberté
La guerre clandestine au coeur aveugle du pays.
C’était aussi l’attente
Sur les grands terrains noirs
Où l’avion espéré devait cracher les armes
C’était la lutte affreuse
Dans les forêts obscures
Agitées de rafales
C’était l’affût sans fin
Dans les taillis ostiles
Peut-être amis, peut-être traitres
L’oeil collé au viseur
La sueur dans le dos
Le ventre dans la boue
Le corps meurtri d’attente.
Et c’étaient les barrages
A passer de sang-froid
Et c’étaient les poursuites
Sur chaque quai de gare
Et c’étaient les liaisons
Sur les chemins traqués
Et c’était un enfer
Avec des diables d’hommes
Qui riaient du danger
Et méprisaient la mort.
C’était, quand on est pris,
Condamné à mourir,
Savoir sourire
Savoir se taire
Ne jamais dire que des insultes
Si douces à dire
Ne pas ouvrir la bouche jamais pour se plaindre
Mais souffrir, souffrir,
Inhumainement,
Dans le silence des cellules
Simple, grand, martyr,
Avec le secret scellé dans son coeur
Avec ses amours blotties contre son coeur 

Avec un ciel clair noué sur les yeux
Avec un bel enfant pétri d’ingratitude
Criant sa joie de vivre
Prêt de sa mère qui lui fredonne en souriant
Des aires sans nom
Pour effacer qu’elle a pleuré.
Avec l’ami toujours au poste, tressaillant
Sous les brûlures de la mitraille,
Avec une glycine appuyée sur un mûr
Peut-être un vieux chemin frangé de violettes
Peut-être un vieux café avec des tables rouges
Peut-être un grand salon aux royales tentures
Peut-être un chant d’oiseau, peut-être un bruit d’usine
Peut-être …
Tout ce qui fait le fort levain du monde
De pur ou souillé, de laid ou de charmant,
Mais ce qui peuple une âme
Et la fait se détendre.
C’était mourir avec tout ça
Avec tout ça qui est la France
Avec la France dans le coeur.
Oui, c’était tout cela, vivre dans ce temps-là !
Mais après cet enfer, sous le ciel de victoire
C’est encore un combat
Celui farouche et pur du droit, de la justice
C’est écraser les traitres
Les lâches, les petits
Qui ne savaient que dire oui
De quel côté qu’on les tournât.
C’est croire en la Beauté des nouvelles moissons
C’est croire en la Lumière d’une nuit d’étoiles
C’est croire en ceux qui ne sont plus
Et c’est mêler leur âme au poème singulier du monde
C’est croire que l’aurore
La rose ou le torrent
Sont un souffle d’eux-mêmes
Impalpable, immortel, infini,
Rayonnants trophées d’or
Dans les hôtels du monde –

 

 

Victoria Cordier

Victoria Cordier est née en avril 1919. Son père, soldat en 14/18, amputé d’un bras, est mort en janvier 1919. Sa mère Hélène élève seule ses quatre enfants, après le décès de son fils elle reste seule avec ses trois  filles Marie Aimée, Madeleine et Victoria dans la ferme située « sous le Risoux ».

Victoria évoque ainsi son enfance et son village :

« Chapelle des bois est un tout petit village… quelques maisons autour de l’église, mais beaucoup de vieilles fermes cachées au travers des pâturages, des prés, des bois… il n’y a qu’à ouvrir la porte de l’écurie et les vaches se dispersent dans l’herbe fraîche. Un peu plus tard, les foins en fleurs d’année en année, toujours plus belles ; foins fauchés chaque été par les descendants des mêmes familles restées fidèles.

Autrefois, à la pointe du jour, on entendait le bruit des faux qu’on aiguisait… on fauchait à bras ; après avec les chevaux, c’était un autre bruit, lui aussi familier. Je me souviens m’être éveillée un matin de juillet, premier jour de vacances et quelles vacances !!!La famille Cordier

Ma fenêtre largement ouverte laissait pénétrer le parfum de l’herbe et des fleurs fraichement coupées ; il y avait un bruit de faucheuse et de cheval qu’on invective, mais par-dessus tout la si belle voix d’Achille Griffond qui chantait dans la fraicheur du matin.

Ce qui retient mon attention dans tous ces souvenirs, c’est d’abord la pauvreté… un village très pauvre, des veuves sans pension, des familles nombreuses sans allocation, vivant sur le revenu de toutes ces petites fermes ; des produits laitiers qui ne se vendaient pas, des pères de famille usés par le travail de la ferme (presque tout à bras), une nourriture simple ; les soirs d’hiver : des pommes de terre « rondes » ou de la soupe, et pourtant !! On vivait heureux ! La jeunesse était gaie.

Enfants nous fabriquions nous-mêmes nos jouets, je me souviens de ces vaches en carton découpées qu’on coloriait. Elles avaient leur clochette et le nom, et les taches bien dessinées.

Et la guerre est venue. On parlait encore tellement de l’autre ! Tout de suite ça a été l’occupation allemande : avec ses patrouilles de nuit et de jour, son couvre-feu, sa zone interdite, ses restrictions… dans un village sans électricité.

Maison de la famille Cordier

Mais quand bien même l’occupant circulait, suivant nos routes et nos sentiers ils n’ont rien changé au visage de Chappelle des bois. Il y avait les mêmes matins qui rient, les mêmes bruits familiers, les mêmes vaches, … seulement ils étaient là… et tout en décidant que la grande aventure allait commencer, que la Résistance nous attirait par-dessus tout, que nous allions pouvoir respirer l’odeur du risque, nous pouvions encore et toujours vivre à Chapelle. Je dirais qu’on y vivait plus intensément, de jour et de nuit. Nous vivions une aventure exceptionnelle. »

Effectivement leur demeure est à la limite de la frontière suisse, zone interdite dès « l’armistice » signé en juin 1940. Ainsi, tout naturellement, la position stratégique de la maison « sous le Risoux », va servir de relais.

Les enfants juifs, les Résistants pourchassés, puis les réseaux de renseignements entre France et Suisse, trouveront de l’aide, parce que Victoria Cordier et ses sœurs, aident sans compter, malgré les risques encourus, pour déjouer la garde allemande, coté France mais aussi les douaniers suisses.

Marie Aimée Cordier

 

Marie Aimée aide sa mère dans cette tâche difficile, mais elle effectue aussi des passages en Suisse. Elle brouille les pistes dans la neige pour ne pas que la patrouille allemande retrouve les traces de ceux qui fuient vers la liberté.

Madeleine Cordier

 

Madeleine travaille chez un notaire à Champagnole. Elle utilise les tampons officiels de l’étude pour authentifier des fausses cartes d’identité. Elle aussi passe des juifs, des Résistants. Elle arrive à convaincre un gendarme suisse, à ne pas refouler en France des enfants juifs qui seraient aussitôt arrêtés par les Allemands.

 

Victoria CordierVictoria est attentive, à plusieurs reprises elle prendra des initiatives pour pallier le désarroi de sa mère. Des trois filles elle est celle qui marche devant et elle n’a pas froid aux yeux. Elle est secrétaire chez un marchand de vin à Champagnole Mr Girardet. Elle travail en face de la Kommandantur.

Victoria et Madeleine rentraient chaque fin de semaine « sous le Risoux » retrouver leur mère et leur sœur.

 

 

 

A l’origine des passages en Suisse se trouvent des histoires d’amour, des histoires d’amitié. La frontière fut franchie maintes fois en escaladant le « Gy de l’échelle » afin de se retrouver entre amis. Les franchissements se faisaient alors avec la fascination que peut avoir la jeunesse pour le risque, pour l’aventure. L’allemand était l’ennemi et quand on pouvait le défier, détourner ses lois, on ne s’en privait pas. Puis cela s’ouvre. Les passages en Suisse pour défier l’occupant, leur permettent de rapporter un peu, ce qui manquait en France : médicaments, café, vêtements chauds …  Que les amis suisses fournissaient généreusement. Ce n’est pas pour en faire du marché noir, mais pour améliorer l’ordinaire.Fred Raymond

Le terrain était donc prêt quand, le climat se durcissant, Victoria accepta d’être agent de liaison par le chemin qu’elle connait si bien. Et l’engagement dans la Résistance se fit progressivement. Victoria Cordier  rencontre Fred Raymond, agent des services de renseignement suisses.

Entre eux la confiance est immédiate et Victoria va utiliser sa bonne connaissance des chemins de montagne du Risoux pour passer des renseignements.

Jean RoccofortAu début de l’année 43, Victoria rentre au réseau « Corvette » dont le responsable est Jean Roccofort (lui-même arrêté et déporté non rentré). Pour ce réseau, elle effectue des voyages à Lyon, Paris, mais aussi Genève et Lausanne. C’est à cette époque qu’elle fut amenée à faire passer des personnes vers la Suisse. Et c’est toute la famille qui fut mise à contribution pour l’accueil, et parfois même pour les passages.

L’escalade du Risoux, été comme hiver, se faisait de nuit dans des conditions souvent difficiles et risquées. Et de l’autre coté de la frontière, les amis suisses attendaient et prenaient en charge les voyageurs. Un réseau solidement organisé.

Parlons d’Anne Marie Piguet jeune engagée dans l’organisation suisse « secours aux enfants » encadrée par la croix rouge. Anne marie est éducatrice enseignante à la Hille, une colonie d’enfants qui accueille des enfants espagnols et juifs en Ariège. Anne-Marie cherche une issue vers la Suisse pour les plus grands menacés de déportation par le gouvernement de Vichy. Elle contacte Fred Raymond qui lui présente Victoria. Ce sera elle et ses sœurs qui assureront le passage de frontière entre Champagnole et la vallée de Joux. Elles étaient le dernier maillon de cette chaine, mais pas le moins dangereux. Mais Victoria le disait : « il n’y avait pas d’hésitation à avoir ». C’est ainsi que se met en place la filière d’évasion.

Des dizaines de personnes ont échappé à la déportation. Le temps a passé, en 1991 Victoria et Madeleine reçoivent la médaille des « Justes » à Berne.Victoria Cordier

Ainsi s’exprime Anne-Marie Piguet, en 1985 dans son livre « La Filière » édition suisse :

« Ayant revu derrière le Risoux celles qui avaient été si utiles, Victoria, Madeleine et Marie-Aimée, les filles de la chère Madame Cordier, dont la maison en zone interdite était le havre de salut, j’ai pu, en confrontant mes souvenirs, recréer avec sûreté la succession des évènements. Pourtant, ce n’est qu’en 1981, en écoutant le récit de Madeleine, que j’ai réalisé à quel point, notre dernier passage avait été prêt de tourner à la catastrophe. Si nous avions tout su, aurions-nous tant osé ? »

Voici un autre témoignage, rédigé par Michel Hollard, qui, lui aussi franchissait clandestinement la frontière suisse, lui qui a pu prévenir les Anglais des menaces des V1 sur Londres. Il était chef du réseau « Agir » :

« A l’aide de ses soeurs, Victoria Cordier a réussi à conduire en lieu sûr jusqu’en Suisse, des enfants, des juifs et des résistants, malgré les risques permanents, que la surveillance étroite des Allemands lui faisait courir, à elle et à ses protégés. »

Victoria était patriote et catholique. Quel programme et quelle vie !

Marguerite Flanvien-Buffard et ses parents

 

Marguerite Flavien Buffard est née en juin 1912 à Gillois près de Nozeroy où ses parents sont instituteurs. Jusqu’à 12 ans Marguerite au gré des mutations de ses parents partage les tâches et les jeux des petits villageois. Elle court la campagne, écoute les leçons de sa mère qui tout au long de sa scolarité en primaire aura été sa seule institutrice. A 12 ans elle passe le certificat et c’est le départ comme interne au Lycée de Lons-le-Saunier en octobre 1924. Interne chez les filles elle suit les cours de philosophie de Jean Lacroix au Lycée de garçons. Plus tard à la khâgne de Lyon la philosophie sera prise en charge par Jean Lacroix pendant plus de 30 ans. Ce chrétien de gauche, résistant, marquera nombre de ses élèves. Jean Lacroix fait tout découvrir à Marguerite y compris le doute et la négation, il ouvre ses horizons vers la religion en général en mettant toutes les religions sur le même pied d’égalité. En somme il en fait une philosophe. Cette formation aboutira à une amitié.

 

La voix de Marguerite se trace ainsi : rigueur, goût pour les idées, indépendance d’esprit et haute estime pour le travail et le savoir.

 

 

 

Par la suite, élève à l’école normale supérieure de Sèvres elle devient professeur de philosophie et s’engage dès 1934 dans le combat anti-fasciste. Nommée successivement à Colmar, Caen puis Troyes, elle est révoquée par l’éducation nationale à la suite des décrets lois de novembre 1939. Accusée d’être communiste elle est incarcérée à Dijon. Libérée elle travaille dans une bonneterie.Marguerite Flavien Buffard à Mérignac

Exclue du parti communiste, isolée, son mari étant prisonnier en Allemagne, elle rejoint la ferme de la famille de son mari et s’investit de toutes ses forces dans le travail de la terre. Elle déclare dans une correspondance : «  La beauté du monde est une grande chose, les fruits de la culture aussi. Ce sont des dieux auxquels il serait doux de consacrer sa vie, s’il n’y avait pas tant d’injustice parmi les hommes ».

Internée en 1942 au camp des femmes de Monts près de Tours, elle participe à l’une des rares révoltes contre la mauvaise nourriture. Transférée de ce fait à Mérignac près de Bordeaux, elle s’évade en décembre 1943 et rejoint la Résistance à Lyon.

 

 

 

 

Voici le commentaire que nous en fait Odette Nilès en 2010 :

« J’ai rencontré Marguerite Flavien au camp de La Lande, à Monts, le 16 février 1943. Elle était déjà au camp depuis plusieurs mois. Au camp de La Lande, on s’est retrouvées à près de 400 femmes. Des femmes de toutes conditions. A La Lande, les jeunes, on se mettait toujours ensemble. Marguerite, elle, avait déjà une trentaine d’années pour nous, elle faisait déjà partie des vieilles.

Nous devions absolument ne pas perdre ce qu’on savait et même éduquer certaines de nos camarades qui n’avaient pas beaucoup de connaissances, et puis, quand même, il fallait maintenir le moral.

Marguerite Flavien Buffard

Nous avons beaucoup été aidées par Marguerite. Elle avait une grande expérience de l’enseignement et du militantisme. Elle nous a fait des cours à tous les niveaux, elle était prof et avait beaucoup de facilités pour s’adapter aux filles qui ne savaient pas bien lire. Plus tard à Mérignac, on a monté une chorale. Elle en faisait partie, un juif interné était chef de chœur à l’opéra, il nous a fait chanter « Et sois sauvé Divin Sauveur ». On s’amusait, on a chanté tout un tas de chansons comme ça. Ce gars nous faisait la chorale, il n’est pas resté longtemps, il a été déporté.

 

L’amitié de Marguerite me fut d’un grand réconfort. Elle nous fit profiter de son immense culture. C’était en somme un avantage qui pouvait être tiré de ces circonstances si pénibles et douloureuses : on y croisait le chemin de personnes d’une richesse étonnante, qu’une existence autre nous aurait à coup sûr empêché de connaître.

 

Tout le temps où je l’ai côtoyée, aux camps de La Lande puis de Mérignac, je l’ai vue organiser la solidarité, le collectif, la lutte. Pour tenir, sans nous replier sur nous-mêmes, sans attendre que « ça se passe » pour ,toujours avec nos faibles possibilités, être prêtes à l’offensive en saisissant toutes les occasions pur combattre la direction du camp, chercher à lui nuire, maintenir l’esprit de résistance. »

 

 

Après son évasion elle rejoint Paris où elle travaillera dans un cabinet d’assurance. Elle reprend contact avec la Résistance et intègre les Francs Tireurs et Partisans (FTP). Le 27 avril 1944 elle part pour Lyon où elle est envoyée en mission au sein de l’état-major FTP de la région lyonnaise pour assurer la direction du bureau de renseignements.

C’est là que le 10 juin elle sera arrêtée par la milice suite à une trahison. L’organisation de la Résistance suspecte une dénonciation par un certain Louis Bruchon qui était agent de liaison entre Marguerite et un autre responsable du réseau. Bruchon était étudiant et avait trahi pour de l’argent, il sera condamné à mort en 1946.

Le 13 juin, probablement par crainte de parler sous la torture, elle se défenestre du 3ième étage du siège de la milice rue Sainte Hélène.  Elle meurt le jour même.

Le 12 octobre 1944 Pierre Buffard son frère trouve la photo de sa sœur sur une table d’autopsie de l’institut médico-légal. Une fiche technique porte son nom de Buffard et indique qu’elle a été enterrée au cimetière de la Guillotière.

Son corps sera rapatrié dans le cimetière de Chilly le Vignoble en 1948.

 

Lors de cette cérémonie au cimetière Calixt Allégret qui fut son agent de liaison termina son allocution par ses mots « Si je suis ici, si beaucoup de nos meilleurs militants sont encoreMarguerite Flavien - Buffard parmi nous c’est que Marguerite est morte en héros sans parler et vous devez comprendre ce que cela veut dire »

Quant à Louise Kantzer , l’amie de toute sa vie elle écrira après sa mort « On penserait que cette dure vie de communiste responsable aurait pu donner à son caractère une certaine austérité. Or je n’ai jamais vu quelqu’un aimer la vie autant qu’elle. Quand elle était là nous avions l’impression qu’elle nous obligeait à jouir doublement de tout, du goût des cerises, de la beauté du soleil, de la musique de la peinture. Elle aimait le bonheur des autres : elle y trouvait une raison de plus pour combattre. »

Témoignage de Simone Buffard : « Non seulement elle a changé de nom, mais elle a changé son apparence physique. Des choses qui la font rire : «  Tu vois, je me maquille, j’ai des tenues un peu plus fantaisistes, il faut que je sois le contraire de ce que j’étais. » ça l’amusait beaucoup. De toute façon, habillée ou maquillée, sa haute taille faisait que, surtout à l’époque, elle était facile à repérer. Je ne réfléchissais pas à cet aspect à ce moment là, je rigolais avec elle mais c’est après que j’y ai pensé. C’était une illusion de penser qu’elle allait passer inaperçue parce qu’elle avait du rouge à lèvres, qu’elle avait changé de coiffure.

Marguerite Flavien BuffardLe moment où nous nous sommes le plus vues, encore que ça a été rapide, c’était entre deux rendez-vous clandestins. On habitait place de la croix rousse. (…) On s’est amusées comme deux gamines.

Elle a connu Marianne ma fille petite. Elle était absolument enchantée de cette enfant et elle avait dégoté un petit coupon de tissu rose clair et rose foncé, et elle avait fait à sa nièce une petite robe ravissante. Elle savait tout faire de ses mains, elle savait coudre, elle savait repasser, elle savait tout faire… elle était très contente et elle espérait bien avoir des enfants quand son mari rentrerait « de prisonnier ».

Puis je ne sais pas où elle allait, ce qu’elle faisait. On savait qu’elle était dans la clandestinité, qu’elle était toujours fidèle au parti communiste, c’est tout ce qu’on savait, tout ce qu’on voulait savoir. C’était normal qu’elle ne dise rien. On parlait plutôt de choses superficielles mais avec la conscience très précise qu’on faisait un petit peu semblant de parler de choses superficielles. ».

René Foucaud, Quasimodo, Résistant

Foucaud René, « Quasimodo »


Né le 3 février 1903 à Salle en Barbezieux (Charente). Ancien enfant de troupe, lieutenant dans un régiment de chars de combats à Metz sous les ordres du colonel De Gaulle avant la guerre. Nommé capitaine au début du conflit, sa brillante conduite lui valut la légion d'Honneur. En 1942, commandant, chef d'Etat-Major du 151è. R.I. (armée d'armistice) à Lons le Saunier, il prend contact avec la Résistance locale. Lors de la dissolution de son régiment en décembre 1942, il adhère à l'O.R.A. En mai 1943 il est nommé commandant départemental de l'A.S. (remplaçant Henri Barbier qui vient d'être arrêté) puis chef départemental des F.F.I. Trahi par son aide de camp, il est abattu par les Allemands (une colonne de répression de Waffen-SS) en tentant de s'enfuir, le 26 avril 1944 au château Saint-Georges (commune de Frébuans) où était installé le P.C. F.F.I.

Guerin, Jean-Paul Guyod

 

Né en1922 à Beaulieu-Mandeure (Doubs). Jeune instituteur à Valentigney, il s'engage dans l'Armée d'Armistice. Réfractaire au S.T.O, il forme un maquis à la ferme du Revers, près de Thoirette. Ce maquis sera anéanti, et « Guérin » emprisonné au cours d'une attaque par une centaine de G.M.R, s'évade. En avril 1943 il va s'installer dans le Haut-Jura, près de Lamoura. Membre du réseau « Grand Père », il adhère à l'A.S. qui lui confie la responsabilité du « Corps Franc Jurassien » chargé de l'action immédiate. Il s'installe début avril 1944 à Saint-Didier. Blessé dans ce village lors d’une attaque contre des membres de la Gestapo, il sera soigné à l’hôpital de Lons le Saunier par le chirurgien Jean Michel. Les Allemands les tortureront et les tueront. Leurs corps seront retrouvés dans les bois proches de Lons le Saunier.

Benito hieyte ANACR Jura Résistant

Benito Hieyte né français le 2 février 1924 à Bilbao (Espagne), rapatrié avec ses parents en France à la fin de la guerre d’Espagne, s’évade de France en novembre 1942 pour rejoindre l’Armée d’Afrique. Il est interné en Espagne à la prison de San-Sebastien, puis au camp de concentration de Miranda de Ebro de décembre 1942 au 16 février 1943. A cette date, avec de nombreux camarades, il s’embarque pour le Maroc où il s’engage dans le premier Régiment de Chasseurs d’Afrique. Débarqué en Provence, il participe à la campagne de France, puis en Allemagne et en Autriche, comme copilote et mitrailleur sur un char baptisé « Bigord ». Démobilisé le 3 octobre 1945 il obtient la Médaille des évadés, la Croix du Combattant Volontaire ainsi que deux citations à l’ordre du Régiment et de la Division.  Il s'est vu remettre la légion d'honneur le 8 mai 2015. Il est actuellement domicilié à Messia-sur-Sorne.

Fernand ibanez ANACR Jura Résistant

 

Né le 26 octobre 1919, à Saint-Andres-de-Lugna (Espagne), il est arrivé en France tout bébé dans les bras de sa mère. Engagé volontaire le 26 juin 1939 dans l’Armée de l’air à Dijon puis à Rayac (Liban), Fernand est affecté au « groupe de chasse ». De retour en France pour une permission, il décide de ne pas rejoindre son unité après l’invasion de la France par les nazis. Clandestin dès 1940, il recherche des résistants et participe activement à la structuration de la Résistance en « Pays d’Othe » sous le pseudo de « Nando » au sein des maquis du Bureau des Opérations Aériennes (BOA) : le 10 juin 1944, un maquis de 350 hommes composé en majorité de FTPF et d’une cinquantaine d’hommes du BOA. Le 20 juin, ils étaient attaqués par 2500 Allemands accompagnés par une poignée de « traîtres ». Sous le commandement du lieutenant Woerth, secondé par ses adjoints, Duloup, et Ibanez, un plan de défense est organisé. Après une journée d’un terrible combat, 250 assaillants sont tués, ainsi que 27 résistants qui seront atrocement mutilés lors du repli nazi. Fernand s’engage pour la durée de la guerre à la tête d’une compagnie de 200 hommes. Il sera démobilisé en 1946. Il a fait l’objet d’une citation avec l’attribution de la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance. Il s'est vu remettre la légion d'honneur le 8 mai 2015. Il fut président de l’ANACR Jura durant de nombreuses années. Il est actuellement domicilié à Dole.

Gino lazzarotto ANACR Jura Résistant

 

 

Né le 13 juillet 1925 à Valstagna (Italie), ouvrier tourneur à Saint-Lupicin. Réfractaire au STO, il gagne le maquis de l’AS de Saint-Lupin (groupe Kocher) en mars 1943 et participe aux activités du groupe, notamment à la distribution de la presse clandestine. Le 5 juin 1944, avec ses camarades, il est intégré dans la compagnie FFI Simca (lieutenant Simon) du district Maurac, avec laquelle il participe à la lutte contre les Allemands à Saint-Laurent et à Dortan notamment. Le 28 août, il est blessé par balle explosive au combat du col de la Savine. Il est transporté à l’hôpital FFI des Crozets. Citation à l’ordre du Régiment, Croix de guerre, Croix de CVR.  Il s'est vu remettre la légion d'honneur le 8 mai 2015. Il est actuellement domicilié à Avignon-les-Saint-Claude et Saint-Claude.

Fils du « Ptit Paul » et de Noémie, Robert est né le 20 mai 1920 à « la Rajat » sur la commune de Lavans lès Saint-Claude. La famille s’installe à Pratz en 1925 où Robert fréquente l’école communale du village. Après un nouveau déménagement au « Monnet » en 1938, Robert passe avec succès devant le rituel du conseil de révision.


Robert Lançon

Les évènements s’accélèrent ensuite, avec son implication dès 1941 dans les chantiers de jeunesse. Début 1943, il entre à l'A.S. (Armée Secrète) de Saint-Lupicin, dirigée par Maurice Kocher (groupe "François"), où il ravitaille les réfractaires et distribue la presse clandestine.
En avril 1944, il doit entrer dans la clandestinité ; son nom de résistant sera « Bernard ».
Le 1er juin 1944, avec les autres membres de son groupe, il entre dans la Compagnie Simca (lieutenant Simon) du district F.F.I Maurac (district du Haut-Jura dirigé par le capitaine Roux) jusqu'à la libération du département.
Il participe à des barrages et à des sabotages, aux combats de Lavancia, et de Saint Laurent.
Robert s’engage par la suite dans l’armée régulière, deuxième bataillon du Jura, pour la duré de la guerre, jusqu’au 11 octobre 1945 précisément.
De son union avec Eliane Bénier de Ravilloles naîtront trois enfants : René, Bernard et Denise. Installé avec sa famille au Moulin d’Aval, Robert intègre les établissements Bourbon fin 1945 et passera toute sa carrière dans l’usine de Ravilloles. Très impliqué dans la vie publique nationale et locale, Robert adhère rapidement au PCF et milite à la CGT jusqu’à sa retraite en 1980.
En 1953, il est élu conseiller municipal de Ravilloles et occupera les fonctions d’adjoint au maire en 1971, et sera finalement élu Maire de la commune par trois fois, de 1977 à 1995. Durant ces 42 années au service de la collectivité il s’évertuera avec son équipe à moderniser son village et dynamiser la vie locale avec comme seul souci celui d’améliorer les conditions de vie de chacun.


 

Dès 1946 Robert Lançon est membre de l’association nationale des anciens FTP, qui est l’ancêtre de l’ANACR. Il devient membre de l’ANACR dès sa création et la mise en place du comité de Saint-Claude. Il en a été le Président durant de nombreuses années. Le grand âge arrivant avec son lot de difficultés, il a transmis le flambeau à son fils René qui pilote maintenant ce comité avec passion.
Robert est resté jusqu’au bout de sa vie fidèle à la mémoire des combats de la Résistance, ainsi qu’à la mémoire de ses camarades. Il a participé aux cérémonies patriotiques jusqu’à la limite de ses forces.
Salut Robert, l’ANACR ne t’oubliera pas, nous garderons le souvenir d’un homme droit, engagé, et convivial, disposant d’un « bon coup de fourchette » et ne dédaignant pas les petits verres de rouge qui vont avec…

Georges Mandrillon ANACR Jura RésistantNé à Pratz (Petit Chatel), le 22 février 1924, il entre en Résistance fin 1943 dans le secteur de Moirans, par l’intermédiaire de Roger Millet de Pratz. Il reçoit ses instructions par Roger Koehl Lorrain originaire de Lunéville, installé à Saint-Claude. Il effectue des liaisons. Affecté à la Compagnie Simca du district Maurac, il effectue des barrages sur les routes avec des arbres car il y a très peu d’armes. L’armement sérieux leur arrive en mai 1944, ils s’entraînaient à la « Ragea » à Saint-Lupicin. Fin août 1944, leur groupe d’une cinquantaine d’hommes s’embarque avec un car et un camion, le groupe est déposé « aux Guillons », hameau de Grande-Rivière. Après avoir traversé à pied la forêt de La Joux, ils prennent position au col de la Savine, Georges est serveur pour le FM de Paul Daloz. Après le combat de la Savine le groupe se rend à Bellefontaine et patrouille dans le Risoux. Georges Mandrillon n’a pas contracté d’engagement pour la durée de la guerre. Adhérent à l’Amicale des anciens résistants du Plateau dès sa formation à la Libération, il adhère à l’ANACR à la création du comité de Saint-Claude avec l’ensemble des résistants du plateau.  Il s'est vu remettre la légion d'honneur le 8 mai 2015.

Docteur Jean Michel

 

Né en 1908 à Vuillecin (Doubs). Chirurgien à l’hôpital de Lons le Saunier. Ses parents, négociants, s'installent à Lons le Saunier. Il fait de brillantes études de médecine à Lyon, est mobilisé lors de la première guerre mondiale; Il s'installe ensuite comme chirurgien à l'hôpital de Lons-le-Saunier. Sollicité par son collègue médecin résistant de Bletterans, Jean Perrodin, en 1942, il n'hésite pas à soigner des Résistants. Après avoir opéré Jean Paul Guyot (voir affaire de Saint Didier), il est arrêté puis massacré par les Allemands le 27 avril 1944 dans les bois de Pannessières. Son exécution suscite un immense émoi auprès des Jurassiens. Malgré l'interdiction allemande d'assister à ses obsèques, un défilé très important a lieu le 29 avril. Le lycée public de la préfecture du Jura s'honore de porter son nom

Simone Michel Lévy

 

Simone Michel-Lévy dont la famille est originaire de Chaux-du-Dombief dans le Haut-jura, puis se fixe à Chaussin petit village proche de Dole, où Jules Séraphin modeste ouvrier plâtrier, épouse une ouvrière en robes. Simone nait de cette union le 19 janvier 1906 et hérite du légendaire caractère têtu de ses aïeux francs-comtois.

Son enfance à Chaussin est marquée par la Grande Guerre qui éclate et par la mort de sa sœur cadette en 1916. Son père, mobilisé en 14, laissera seules la fillette et sa mère, et reviendra à la fin de la guerre avec une citation à l’ordre du corps d’armée épinglée à sa croix de guerre.

A l’école, elle est bonne élève. Sa maman conservera longtemps le texte d’une de ses composition françaises, écrite à 14 ans et classée première de sa section, qui se termine par la phrase suivante qui annonce déjà le caractère très mature et engagé de l’adolescente : «  Travaillons à devenir des femmes instruites et sensées qui puissent faire honneur à notre chère France ».

Simone Michel Lévy enfant

Simone Michel Lévy et ses camarades à l'école de Chaussin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Brevet élémentaire en poche, elle suit l’exode familial, à Chauny dans l’Aisne, où le chef de famille a trouvé un emploi. C’est ici que Simone prend pied dans le monde du travail. Dès 16 ans et demi, elle entre dans l’administration des P.T.T, Postes, télégraphes et téléphones, qu’elle ne quittera jamais.

En 1930, ses parents retournent à Chaussin alors qu’elle est mutée à la caisse d’épargne nationale. Les archives des P.T.T relatent ses 21 années de service au travers de ses adresses successives, ses participations aux examens internes et ses différentes affectations dans divers bureaux de poste parisiens. On y trouve également mention de plusieurs arrêts-maladie de longue durée et des détails médicaux qui peuvent laisser penser qu’elle était de constitution fragile.

Une pièce intéressante de son dossier administratif est constituée par le sujet de l’épreuve de français de l’examen interne de rédacteur auquel elle se présenta. Le thème était une pensée d’Alfred de Vigny : « la douleur et les moyens de la combattre pour l’étouffer ». La réussite à cet examen lui permet de quitter les guichets et d’entrer à la direction des recherches et du contrôle technique.

En 1939 elle est contrôleur-rédacteur au département "Commutation" de la Direction des Recherches et du Contrôle technique, rue du général Bertrand à Paris. Dès l'Armistice, elle s'élève contre la capitulation de la France et entre dans la Résistance en décembre 1940.

Simone Michel Lévy

 

Elle participe alors, sous la direction d'Ernest Pruvost, avec Maurice Horvais, à la création du réseau "Action PTT" qui deviendra en juillet 1943, "Etat-major PTT" auquel se joindront Edmond Debeaumarché et Ferdinand Jourdan. Le réseau a pour but, en profitant des possibilités professionnelles des PTT, d'étendre sur toute la France une ramification de cellules de renseignements et de transmissions.

Dans un premier temps, Simone Michel-Lévy met toute son énergie à développer un système de "boîte aux lettres" pour les communications clandestines.

Ses missions d'adjoint, responsable du secteur "radio", la conduisent à se déplacer fréquemment pour organiser l'"hébergement" de postes émetteurs, notamment dans le Sud-ouest, en Bretagne, et en Normandie. A Caen, elle assure ainsi, fin janvier 1942, sous le pseudonyme de Madame Flaubert, la première liaison avec le groupe local de la résistance PTT d'Henri Le Veillé, à qui elle amène, début mars, deux opérateurs radio équipés de leur poste.

 

A l'automne 1942, le réseau "Action PTT", qui s'est développé, prend contact avec la "Confrérie Notre-Dame" (CND) du colonel Rémy et l'"Organisation civile et militaire" (OCM) du colonel Touny. Pour la CND, Simone Michel-Lévy met en place, Gare de Lyon, une centrale permettant le transport du courrier clandestin et de postes émetteurs, par voitures postales et sacs plombés, en s'appuyant sur les "ambulants" des PTT dirigés par Edmond Debeaumarché. Un dépôt identique existe à la Gare Montparnasse pour les expéditions vers l'ouest.

Elle réalise ainsi, sous les pseudonymes de "Françoise" et de "Madame Royale", un excellent système d'acheminement du courrier à travers la France, qui marche à la perfection, soit par voie maritime, c'est-à-dire jusqu'aux chalutiers, soit par voie aérienne, et cela dans les deux sens.

Elle n'est heureuse que lorsque ses responsabilités s'accroissent. Elle s'accroche à la mission la plus périlleuse une fois qu'elle l'a acceptée, méthodiquement, tenacement, jusqu'à la réussite totale. Ses chefs comptent sur elle. Tout ce qu'elle promet est tenu.

Dès les premières heures du Service du Travail obligatoire (STO) en 1943, elle établit plus de cent cartes professionnelles PTT à des jeunes réfractaires.

La trahison de "Tilden", chef-opérateur radio de la CND, qui est à l'origine du démantèlement de la CND, met fin brutalement à son action. Au soir du 5 novembre 1943, Simone alias Emma est appelée d'urgence par ce dernier dans un café proche de son bureau, le "François Coppée", boulevard du Montparnasse. C'est un piège. Elle est immédiatement arrêtée et conduite 101 avenue Henri Martin, dans les locaux de Georges Delfanne, alias Masuy, auxiliaire français de la Gestapo. Abominablement torturée par Masuy, Simone Michel-Lévy ne parle pas et est livrée à la Gestapo de la rue des Saussaies.

 

Internée à Fresnes puis au camp de Royallieu (Compiègne), Simone Michel-Lévy quitte la gare de Compiègne le 31 janvier 1944 dans le convoi des "27 000". Elle arriveSimone Michel Lévy le 3 février au camp de Ravensbrück où, pendant la quarantaine, elle aide une camarade musicienne à organiser une magnifique chorale qui fait un moment oublier leurs peines aux prisonnières.

En avril 1944, elle est envoyée en Tchécoslovaquie, au kommando de Holleischen, dépendant du camp de Flossenbürg, pour travailler dans une usine d'armement qui fabrique des munitions anti-aériennes. Elle y continue son action de résistante en sabotant.

Affectée à l'atelier 131 A de l'usine, elle est chargée de faire passer sous une énorme presse des chariots de cartouches remplies de poudre. Avec deux autres déportées, Hélène Lignier et Noémie Suchet, elle ralentit la chaîne, la désorganise, ce qui se solde parfois, pour la production du Grand Reich, par un manque de 10 000 cartouches. Elles font fonctionner la presse à vide, ce qui l'endommage et constitue, pour elles-mêmes, un danger immédiat malgré la protection d'une tour en maçonnerie. C'est ainsi que finalement la presse saute et qu'un rapport de sabotage visant les trois femmes est rédigé et envoyé à Berlin via Flossenbürg.

La réponse d'Himmler revient plusieurs mois après, dans le courant d'avril 1945, alors que tonnent déjà alentour les canons américains. Entre-temps, elles ont été condamnées à la bastonnade, sentence de 25 coups de bâtons exécutée en présence du commandant du camp et devant leurs camarades déportées.

Le 10 avril 1945, Simone Michel-Lévy, Hélène Lignier et Noémie Suchet doivent partir immédiatement pour le camp de Flossenbürg.

Sans procès ni jugement, elles sont pendues le vendredi 13 avril 1945, nues, les mains attachées dans le dos avec du fil de fer, à l’un des six crochets situés dans le mur à cet effet. Simone, Emma, Françoise la comtoise part comme elle a vécu, courageuse, obstinée, fière et fidèle à ses engagement. Ses derniers mots sont pour ses parents auxquels elle écrit de sa cellule : «  Ne pleurez pas, c’est un ordre, ne soyez pas tristes, moi je ne le suis pas, mon cœur est calme autant que mon esprit ».

Silhouette de Simone dans son bloc croquée par Jeannette l'Herminier

Dans la même émouvante tonalité, quelques témoignages. D'après un témoignage d'une femme de son village natal, et qui l'a connue lorsqu'elle y venait en vacances avant la guerre, Simone s'habillait à la parisienne, parfois elle fumait une cigarette et portait des pantalons.

Du témoignage d'Henry Le Veillé, responsable de Résistance PTT pour la Normandie, nous savons qu'elle était très coquette. Il précise qu'elle lui demande de l'aider à trouver des bas de soie avant son retour à Paris. En apparence, c'est donc une femme comme une autre. Néanmoins, Henry Le Veillé écrivit : "Je regrettais que beaucoup d'hommes ne soient pas aussi courageux et dynamiques que Simone".

Le chef administratif de Simone à Paris, qui n'ignorait rien de ses activités témoigna : " Après des nuits de veille, des voyages épuisants, au retour de missions périlleuses de parachutage, on revoit Simone à sa table de travail, les traits tirés, mais souriante ".

Anne Fernier, journaliste, qui était au kommando d'Holleischen avec Simone rapporta : "Son idéal s'élevait au-dessus de toutes les souffrances".

Enfin un dernier témoignage extrait de la lettre envoyée début 1960 à Mme Michel-Lévy par Gabrielle Perrodin une autre camarade de captivité :

«  Quelle bonne et agréable camarade a été pour toutes ses compagnes votre chère Simone. Avec elle : ni plaintes ni récriminations inutiles, toujours la conversation s'élevait au-dessus des contingences au milieu desquelles nous vivions. Elle aimait discuter musique, poésie, littérature, philosophie même. Aux conversations oiseuses elle préférait les longs silences pendant lesquels elle pouvait à son aise, réfléchir ou rêver. (…) Heureuse et fière d’être sortie victorieuse des terribles interrogatoires subis après son arrestation, elle parlait peu de l’immense travail qu’elle avait fourni dans la Résistance.

(…) Elle vous a toujours demandé d’être courageuse, mais elle l’a été totalement elle-même ! Pas une plainte ne s’est échappée de ses lèvres lors de la bastonnade subie en octobre ; elle avait encore le courage de sourire, lorsque, inquiètes, nous nous informions des souffrances qu’elle devait endurer avec son corps meurtri. Six mois plus tard, c’est encore elle qui nous réconfortait la veille de son départ pour Flossenburg. Alors qu’elle envisageait le pire, elle gardait toute sa sérénité, consolait ses amies atterrées. Et c’est en me confiant son dernier message d’amour pour vous, mesurant l’immense douleur qu’était la sienne, et que serait probablement la vôtre, qu’elle m’affirmait, non seulement ne rien regretter de ce qu’elle avait fait, mais qu’elle recommencerait si c’était à refaire. »

Roger Pernot 1924-2015 : une vie d’engagement !


Roger PernotOctobre 1940, c’est la rentrée au lycée Rouget de Lisle de Lons-le-Saunier dans le Jura pour Roger reçu quelques semaines auparavant au concours pour d’Instituteur, à 17 ans. Cette promotion est la première à ne pas suivre sa formation dans les Ecoles Normales, accusées d’être des foyers de « mauvais esprits », elles viennent d’être supprimées par Pétain. D’une certaine façon, il n’avait pas tort… Car rapidement, un noyau actif de résistance se crée dans le lycée. Un jour de 1942, alors que toute l’administration de la ville préfecture, dont le Préfet, l’Inspecteur d’Académie, et des hauts fonctionnaires sont réunis dans la cour d’honneur pour assister au salut des couleurs, c’est un drapeau tricolore orné d’une Croix de Lorraine et du V de la victoire qui est hissé devant l’assistance ébahie. Ce drapeau avait été substitué quelques minutes avant la cérémonie par des lycéens/normaliens.
De la révolte à la Résistance, il n’y eut qu’un pas…. Roger rejoint les FTP au camp Benoît en août 1944. Chef de sixaine, puis sergent FFI dans le régiment FFI de Franche-Comté, il participe, le 4 septembre 1944 aux combats pour la libération de Mouthe (Doubs) contre les troupes allemandes.
« Les souffrances générées par les combats de Mouthe, une goutte d’eau dans l’ensemble du drame immense de la Seconde Guerre Mondiale, cette goutte d’eau fut suffisante pour faire du jeune plutôt insouciant que j’étais un combattant déterminé de la PAIX. « Rien n’est pire que la guerre. »*


C’est ainsi qu’après-guerre, Roger reprend le chemin de l’école. Instituteur puis éducateur pour les enfants en difficultés, il termine sa carrière comme Directeur du CMPP du Jura. Complètement dévoué à la cause des enfants, Roger va diriger à partir de 1952 pendant de longues années la colonie de vacances de Clairvaux dans le Jura, qui accueille des enfants de Saint-Ouen, ville populaire de la banlieue parisienne.
Animé par ses convictions, il sera responsable syndical au sein du SNIpegc, à la retraite il rejoindra la CGT. Militant et responsable communiste, il sera élu à Lons-le-Saunier dans la municipalité dirigée par Henri Auger de 1977 à 1989 où il exercera les responsabilités d’adjoint à l’urbanisme et au logement social.Roger Pernot


Ensuite, Roger se consacrera à faire vivre l’ANACR du Jura, dont il a été Président jusqu’à ce que la maladie ne lui permette plus d’être aussi actif. Animé d’un indéfectible enthousiasme communicatif, optimiste pour l’avenir, Roger va beaucoup contribuer à la compréhension exigeante de cette terrible période de notre histoire en veillant en permanence à faire vivre le pluralisme de l'association. Il est pour une grande part responsable de l’intégration réussie des Amis de l’ANACR Jura, avant même que le congrès national réunisse en une seule association résistants et amis. En 2009, nous l’avions accompagné sur les traces de sa Résistance. Pour ceux qui l’ont accompagné ce jour-là, le souvenir est inoubliable. Par delà la mémoire du Résistant se promenant sur ses lieux de Résistance entre l’euphorie et les larmes, il nous reste des vrais moments d’amitié fraternelle autour des pauses café et pique-nique.
Sa disparition, le 13 mars 2015, laisse un grand vide au sein de l’ANACR du Jura, et bien au-delà. Merci Roger, nous reparlerons de toi bientôt.

*Extrait de son livre autobiographie « Roger, Dis nous tout… enfin presque » paru en avril 2014

Léon nous a quittés début janvier 2015 et, autour de sa grande famille, une foule très nombreuse lui a témoigné son profond respect et son amitié.
Léon était né dans une famille modeste le 3 septembre 1923 à Dole. En janvier 1940, il n’a pas encore 17 ans lorsqu’il entre comme ouvrier à l'usine Solvay de Tavaux. Il y restera jusqu’en octobre 1943. A cette date, refusant le Service du Travail Obligatoire, il doit quitter la région doloise. Il gagne alors, dans le Haut Jura, le maquis de Prémanon-Lamoura que dirige Lucien Margaine, aviateur qu’il a connu lorsque ce dernier était au camp d’aviation de Tavaux. Il découvre le maquis, ses contraintes, sa discipline, mais aussi la faiblesse de son armement. L’expérience qu’il en retirera sera appréciée : de retour dans la région doloise, il est vite désigné chef du détachement "Jeunesse libre" du bataillon FTP Maurice Pagnon, qu’il dirigera de décembre 1943 à la Libération du département. Avec ses jeunes et des moyens de fortune, il organise des sabotages d'écluses, de pylônes électriques, de voies ferrées...


Leon Soyard

 

En septembre 1944 il s’engagera pour la durée de la guerre au 1er Régiment de Franche-Comté avec lequel il combattra pour la libération des Vosges et de l’Alsace, avant de pénétrer en Allemagne puis en Autriche. C’est là qu’il est démobilisé en décembre 1945.
Ce « fils du peuple », qui a connu la misère et la faim du quotidien de la classe ouvrière de la région doloise occupée pendant la guerre, a toujours porté un regard lucide, dénué de complaisance et de tout sectarisme, sur les réalités de la Résistance à laquelle il a tant apporté. Il a témoigné sur l’énorme disparité entre la volonté de ces hommes de lutter contre l’ennemi et la modicité des moyens humains et matériels pour le réaliser : des jeunes apprenants sur le tas l’utilisation des explosifs, avec un matériel distribué au compte-gouttes. Et un manque récurrent d’armes qui, à ses dires, ne seraient guère, pour l’essentiel, sorties de leurs caches avant la Libération.
Lucidité, modestie, mais aussi humour, lorsqu’il nous parlait de son engagement dans l’armée régulière en septembre 1944 : manque total de formation militaire de la plupart des recrues, son incapacité à marcher au pas, manque d’armement (un fusil-mitrailleur pour trente hommes), rapports avec l’armée régulière (le 6e Régiment de Tirailleurs Marocains) qui lui faisaient dire : « On était tous des ignorants, comme des gosses à l’école en face de l’instituteur. »

 

 

Homme simple, d’une rare modestie, d’un humour corrosif, il ne parlait jamais de ses décorations, amplement méritées : Croix de guerre, Citation à l'ordre de la Région militaire, Médaille de la Résistance.
Et pourtant on évoquera encore très longtemps son nom.
Notre ami Léon fut l’un des pionniers de la mise en place de l’A.N.A.C.R dans la région doloise et bisontine.

Parcours retracé par Roselyne Sarrazin

Mesdames Tissier et Guillemin ont été déportées à Ravensbrück, libérées le 7 mai 1945. Peut-être n’ont-elles rien dit, rien pu dire au moment de leur retour, comme beaucoup de déportés. Alors pour regarder leur parcours, je me suis appuyée sur les témoignages de la jurassienne Roselyne Blonde et de quelques membres de l’ADIR (Association des Déportées et Internés à Ravensbrück) ; des femmes résistantes qui ont côtoyé ces deux habitantes de Saint-Didier.

Marie Tissier, était la femme du fromager de St-Didier ; Marie, née le 15 janvier 1916 à Cheilly-lès-Marange,. Elle fut arrêtée en même temps que son mari et Monsieur Outhier le maire de Saint-Didier, le 23 avril 1944.

Quand les nazis entourent le village, au matin du 25 avril, ils ouvrent le feu, fouillent, les maisons, fusillent… Et bien sûr se précipitent chez Urbain Guillemin, le patron du café-restaurant, dit « Bainbain », chef de la Résistance locale, qui s’est enfui depuis deux jours.

L’homme de la Gestapo s’en prend à Madeleine l’épouse d’Urbain ; Madeleine Guillemin, née le 3 janvier 1913 à Saint-Didier, épicière. Elle est frappée, brutalisée devant ses deux plus jeunes enfants, puis emmenée à la caserne Bouffez à Lons-le-Saunier.

C’est là qu’elle retrouve Madame Tissier.

Les 2 femmes suivront le même parcours :

D’abord la prison de Lons, puis celle de Besançon avant d’être envoyées au Fort de Romainville. Situé dans la banlieue nord-est de Paris, le fort de fut un camp d’internement de novembre 1940 à août 1944. Ce fut aussi une réserve d’otages (dont 209 furent fusillés). Au total près de 7 000 personnes ont été détenues dans ce fort.

A Romainville donc, dans une grande salle, chacune prend possession de sa couche dans des lits de bois à étages ; sur trois planches, une paillasse, une sorte d’oreiller de paille et une couverture. La vie s’organise : appels, repas, jeux de cartes… Par certaines fenêtres nanties de solides barreaux, on aperçoit Paris. Et la nuit du 1er mai, ça bombarde, la gare de Pantin toute proche est sérieusement touchée et n’est plus opérationnelle pour les départs des sinistres convois.

Une petite phrase d’espoir est souvent répétée : « Les Américains vont bientôt débarquer, il n’y en a plus pour longtemps » :

Mais le 13 mai 1944 : Entassées debout dans des camions, 550 femmes traversent Paris, un Paris vide et muet.

Sur le quai de la gare de l’Est, elles sont poussées à coup de crosse dans des wagons de marchandises. Dans un wagon, 46 femmes de tous les âges, avec l’inévitable tinette dans un coin. On quitte Paris ; les femmes font connaissance, explorent leur colis : biscuits, confiture, lait concentré. Mais pas de boisson. Arrêt dans une petite gare, le convoi évite les grandes lignes. Un cheminot remplit un seau à une fontaine, profitant de l’inattention des gardes, il s’approche et dit « Vite, donnez-moi vos adresses, je les communiquerai à la Croix-Rouge. » Geste de solidarité important ! C’est du main dans la main : les cheminots ont été entièrement « pour  la Résistance ».

Et l’homme remplit les récipients qui lui sont tendus.

Après cinq jours et quatre nuits de voyage, arrivée à Ravensbrück : nous sommes le 17 mai 1944.

Tous ceux, hommes ou femmes, qui eurent le malheur de connaître un camp de concentration, exprimèrent plus tard la perception immédiate et brutale, qui précéda pour eux la connaissance détaillée de ce qui les attendait : quelque chose que l’on recevait en pleine gueule… aussi complètement évident que la « devinance » de la mort qui fait hurler les bêtes que l’on va tuer.

La mise en rang par cinq, avec injures et coups, l’attente debout devant des bâtiments sombres, le défilé de fantômes hâves, déguenillés, squelettiques, l’air hagard, l’odeur de tombeau qui les suivait… cela permettait tout de suite de savoir que tout était fini, que de cet abîme on ne ressortait pas.

Dans une grande salle des lavabos, enfin, de l’eau coule ! Les premières arrivées se précipitent pour boire et reculent en hurlant : l’eau est bouillante. Et croyez-moi, ce n’est pas par hasard.

Là elles doivent quitter tous leurs vêtements, sont poussées sous la douche, et revêtent la robe rayée des bagnardes. « Nous raserons toutes celles qui ont des poux », fait traduire une surveillante. Les chevelures dignes de faire une perruque sont coupées rapidement, le rasoir achève le travail.

Chacune se voit attribuer un numéro de matricule : N°38882 pour Madeleine, 39010 pour Marie. Une aiguillée de fil pour coudre le triangle rouge et le numéro sur sa robe.

C’est l’entrée en quarantaine, enfermées dans le bloc 15. Il faut occuper ces longues journées : les femmes récitent des poèmes, font des conférences, jouent Molière ; chacune raconte son métier, une infirmière tire les cartes avec un jeu qu’elle a fabriqué sur des petits cartons…

La blockova, Anka, est polonaise ; blockova, ça veut dire chef de block, chef du dortoir en quelque sorte, et c’est une vieille prisonnière. Les polonaises sont arrivées en masse dans le camp en 1939.

Après la quarantaine, les femmes seront réparties, soit dans les Kommandos d’entretien du camp, soit dans des usines à l’extérieur, soit en « transport » dans d’autres camps.

Marie Tissier et Madeleine Guillemin partiront en « transport » dans des wagons à bestiaux, avec une boule de pain, de la margarine et de l’eau. Trois jours de voyage et arrêt à la gare de Falkenau . A pied on gagne le camp de « Swodau » :

Swodau est un petit camp. Tout autour, des champs, des prés, la montagne, un village avec son église. C’est tout neuf.

Les femmes sont invitées à se laver, et reçoivent des vêtements propres.

Dans les blocks se trouvent des Russes, Polonaises et des Allemandes aux triangles verts ou noirs, c’est-à-dire des prisonnières de droit commun, ou dites « asociales ».

Zwodau est une annexe des usines Siemens-Halske. Elles vont donc travailler à l’usine : L’un des bâtiments est l’usine métallurgique où se fabriquaient les grosses pièces des moteurs d’avion ; carters, grosses vis, pistons. Le travail se fait presque toujours debout, de 6h à 12h et de 1h à 19h avec une pause d’un quart d’heure à 9h et à 16h ; dans une atmosphère lourde, où l’odeur de l’huile se mêle aux émanations d’acide de certaines cuves dans lesquelles se nettoient les pièces terminées. Le bruit des machines et du ventilateur est absolument intolérable. Le soir les talons font si mal qu’on dirait qu’ils vont éclater.

A ces maux s’ajoutent les accidents du travail.

Le chef de camp est surnommé « Attila ».

Loger à côté de l’usine comportait le risque d’être bombardées. La nuit, quand on est verrouillé, on peut être partagé entre la peur et l’espoir : la guerre finira-t-elle avant nous ? Est-ce aujourd’hui que cette maudite usine va être bousillée ? L’espoir l’emportait.

Marie-Antoinette Clastres raconte les derniers jours :

17 avril 1945 : Longue alerte de 4 heures… A 8h30 suspension définitive du travail.

20 avril 1945 : Deuxième journée de repos. Corvées diverses. Nous descendons à Falkenau poussant des charrettes de ravitaillement, la petite ville est en ruine ; nos amis ont bien travaillé !

En vue du départ, on vide tous les blocks.

22 avril 1945 : On distribue le ravitaillement pour la journée : 1/7e de pain, une cuillère de confiture, 15 grammes de margarine… la colonne s’ébranle. Avec nous, une charrette de ravitaillement pour 1200 personnes. Et une charrette de malades. Les malheureuses y sont entassées assises et debout. Nous marchons ainsi pendant 15 km… première halte à Lauterbach. Notre cortège impressionne tout le village. Pas de place pour nous dans les granges, nous devons reprendre la route, trempées, fatiguées. Nous marchons pendant deux km. Et une grange nous accueille, nous sommes 60 dans la nôtre.

A l’aurore, la neige tombe… la ration de pain pour la journée est plus petite qu’hier… nous marchons pendant quatre heures. L’Ober nous apprend que nous sommes encerclées de toutes parts ; nous rebroussons chemin et nous coucherons dans les mêmes granges que la nuit précédente.

23 avril 1945 : Réveil à 6 heures, nous prenons la route, nous redescendons la montagne, nous atteignons Falkenau, on voit Zwodau… Le camp a été saccagé ; il y a appel. 20 femmes se sont évadées.

27 avril 1945 : Les Américains seraient à 18 km de nous, entre Marienbad et Mauterbach.

29 avril 1945 : C’est dimanche. Chacune s’est faite belle. Celles qui avaient gardé leurs cheveux s’étaient mis des bigoudis la veille.

5 mai 1945 : C’est la prise de Berlin par les Russes.

6 mai 1945 : Nous apprenons que les alliés sont à 8 km. On chuchote que l’armistice doit être signé. Nous n’osons y croire.

7 mai 1945 : Tandis que nous mangions notre soupe, nous entendons des cris : « Hourra ! les voilà ! les voilà !... » Un tank, puis deux, et les Américains franchissent les barbelés. Toutes nous bondissons et sans tenir compte de notre fatigue, nous courons à toute vitesse au-devant d’eux. Ils nous entourent de leur bienveillance. Nous leur cueillons des fleurs. Il n’y a que celles des pissenlits, mais ça ne fait rien !

Libres désormais, mais ne sachant où aller, elles attendent une dizaine de jours dans les baraques du camp l’organisation de leur rapatriement. Vers le 15 mai, des camions de l’armée américaine les emportent plus à l’ouest, au centre de rapatriement de Wurtzbourg sur le Main, déjà surpeuplé.

Les femmes n’arriveront en France qu’à partir du 18 mai.

Certaines parleront, raconteront… telle Micheline Maurel qui dit :

« Il faudra que je me souvienne,

Plus tard, de ces horribles temps ;

Froidement, gravement, sans haine,

Mais avec franchise pourtant…

 

Rapport d’activité résistante de Vautrin Louis à Courbouzon-Jura durant la période allant de novembre 1942 au 25 octobre 1944

               

Petit commerçant dans la commune de Courbouzon(Jura), je fus élu conseiller municipal en 1935 comme communiste, appartenant à ce parti depuis 1929. Perquisitionné en 1939 lors de la dissolution du parti, je fus déchu de conseiller municipal au début de 1940. En mars 1940 deuxième perquisition entraînant de deux camarades Dotte Luc et Gay Charles par suite d’une lettre trouvée sur un camarade de la Ricamarie arrêté, lettre sur laquelle figuraient nos noms et adresses respectives : résultat négatif de la perquisition faite par les inspecteurs Oudot et Redon qui ont eu une attitude provocante et  grossière qui n’est pas à leur honneur.

                Appelé le 16 avril pour rejoindre  la 2ème C.O.A.1 à Grenoble, je réussis à me faire réformer le 28 mai  1940. Rentré au pays, je continue mon petit commerce, mais dénoncé par la légion du pays, on me retire la recette buraliste et le débit de tabac, puis la cabine téléphonique, travaillant comme expéditionnaire aux contributions directes, on essaie également de m’enlever ce travail, mais, sans résultat. Réfractaire à la garde des voies ferrées, je me sens surveillé  et ne couche plus à la maison dès avril 1942. En novembre de la même année, par l’intermédiaire  du camarade Maire Marc, j’entre à l’A.S. immatriculé V.3.C. . Notre activité se résume à la distribution de journaux de la résistance dans le pays et les pays voisins. Nous transportons en lieu sûr trois conteneurs provenant d’un parachutage de Lons à Courbouzon.

                En juin 1943, j’entre en contact avec le C. de Barbier, alias John Dutheil appartenant aux F.T.P., celui-ci me donne les directives nécessaires pour faire l’action contre l’ennemi. J’arrive  à constituer un groupe de dix hommes, dès lors nous  sommes en liaison directement avec l’état-major de la région T3, qui se trouve à Bourg par l’intermédiaire du camarade Jules Blanc( Paul Buatois de Saillenard), recevant régulièrement des directives. Nos actions contre l’ennemi commencent effectivement. Je transporte un poste de TSF parachuté à l’état-major à Bourg. Nous commençons à récupérer dans les carrières environnantes du matériel explosif, nous confectionnons des clefs pour les voies ferrées, une batteuse est sabotée, des bombes sont faites pour un groupe de Lons pour la destruction de transformateurs, trois tentatives de déraillement sur la ligne de Lyon échouent. Le  1er novembre 1943 la voie est déboulonnée. Un train de marchandises provenant d’Italie déraille, obstruant les deux voies pendant 36 heures, huit wagons sont totalement détruits. Dès le mois d’août constitution d’un maquis où une cinquantaine de réfractaires sont rejoints pour être dirigés ensuite sur le maquis des bois de Larnaud. Différentes actions de récupération et de destruction sont faites également contre une entreprise travaillant pour l’ennemi.

                Les premiers jours de novembre, je suis muté par ordre de l’organisation à Dole où je dois prendre la responsabilité du secteur en remplacement de Maurice Pagnon, qui lui doit partir à Lyon. Ce dernier ne se croyant pas en danger refuse de partir et je reste en instance à la Vieille Loye avec un groupe de réfractaires venant de Bourgoin. Je  participe avec eux à différentes actions, notamment de déraillement d’un train de marchandises et la récupération d’un chantier de jeunesse. A la fin novembre je reçois l’ordre de rejoindre Lyon où on me donne la responsabilité de diriger les actions militaires du département du Rhône et d’une partie de l’Isère jusqu’au Péage de Roussillon, avec deux autres  camarades responsables aux effectifs et technique. Nous essayons de regrouper les éléments, travail très dur, car l’ancienne direction a été en partie arrêtée. Nous arrivons néanmoins à redresser la situation et pas mal d’actions sont faites par nos groupes et détachements.

                Alerté dès le 1er février  par mon responsable(Poirier) comme étant recherché par la police et la gestapo à Lyon, j’ai l’ordre de rejoindre Marseille. Après avoir passé tous les contacts de Marseille je suis dirigé sur Toulon où là encore tout l’état-major vient d’être dénoncé par un certain Tatoué qui en a fait arrêter plusieurs. Le 11 février 1944, je suis de nouveau nommé responsable militaire du Var où de grandes difficultés surgissent pour reprendre les contacts qui ont été perdus. Le premier contact est fait avec le chef de secteur(Genso) du Haut-Var. Les groupes se remettent en activité à Draguignan, Aups,  Bresse, Carnoule, Bardemont . Puis au mois de mars je retrouve le chef du 1er S/secteur(Giraud) à Saint-Tropez, qui lui aussi redouble d’ardeur dans la région de Saint-Tropez, Cogolin, Sainte-Maxime, Hyères, Lacroix, Le Lavandou etc. Par suite des bombardements intenses de Toulon, les contacts sont très durs à garder et les actions difficiles à réaliser. Mis  en contact  avec le responsable politique Paul(Avioldi), nous décidons la destruction des postes fumigènes ennemis  qui gênent considérablement l’aviation alliée. Ne  pouvant compter sur mes groupes à Toulon même, je participe seul avec un camarade, chef de secteur de  Toulon, Castel Jean(alias Avril) à la destruction de 12 postes le 28 mai 1944. Le 30 avril je fais dérailler en plein centre de Toulon une locomotive sur la ligne Marseille-Vintimille arrêtant pendant 12 heures tout trafic sur la ligne. Destruction par incendie du poste  principal de distribution d’essence de la Wehrmacht, en outre j’ai le résumé de plus de 100actions contre l’ennemi et les collaborateurs dans le département du Var faites  par les 480 hommes régulièrement immatriculés dans l’illégalité pendant la période de mai au 11 juillet 1944.

                Le 30 juillet je fus muté dans les Alpes-Maritimes en vue de remplacer un responsable militaire arrêté et dès mon arrivée à Nice je fus arrêté par les P.P.F. en compagnie du camarade Perrin Paul(Cuistot) technique de la région F2. Après l’évasion de ce dernier je fus relâché 26 heures après faute de preuve, je revins donc dans le Var où je repris ma place le 8 août. Et le 15 août 1944, jour du débarquement  allié, je me trouvais à Claviers dans le Haut-Var pour inspecter un maquis nouvellement créé. Me trouvant dans l’impossibilité de rejoindre Toulon, je combattis avec un détachement pour la libération, mettant à exécution le plan d’investissement et de coupure des voies de communications du département prévu pour le débarquement. Le 15 août, à 9 heures du matin la route départementale n°27 était coupée par la destruction d’un camion ennemi causant six morts et plusieurs blessés. Le 16 août à 18 heures, partis pour couper une route nous tombons sur une colonne boche, deux de nos camarades sont tués, un grièvement blessé. Puis nous continuons les jours suivants à assurer les embuscades, nettoyer les bois, assurer le ravitaillement des villages libérés. Ensuite a lieu le regroupement de nos éléments, la constitution en compagnies régulières et c’est 2000 hommes que les F.T.P. du Var fournissent aux casernes de Draguignan, Hysères et Ollioules. Affecté à l’état-major F.T.P. de Draguignan jusqu’à la fusion dans les F.F.I., je suis placé comme adjoint au 4ème bureau de la place de Draguignan, considérant ma tâche de combat illégal terminée, je suis versé à la commission militaire du Front National, jusqu’au 20 février  1945 date à laquelle je revins dans mes foyers.

                Je fus inscrit à l’organisation F.T.P.F. en juin 1943, sous le nom de Mirtus Alfred numéro matricule 93059, puis sous les noms de Boisson et Brunet. J’ai perçu comme tous les F.T.P. du Var une prime de libération de 150 Fr, bien que nommé Commandant F.T.P., vu le nombre d’hommes étant sous mes ordres, mais n’ayant pas continué dans l’armée, je n’ai perçu ni rappel de solde, ni homologation de grade.

                Fait à Courbouzon le 13 juillet 1946

                Certifié exact et sincère

                Signé : L. Vautrin Brunet 

 

414353621 388912943505682 7352982323343139597 nDécouvrez le portrait de Georges VACHER, Périgourdin engagé dans la Résistance, l’un de ces braves morts au printemps de la vie, dans les maquis du Haut-Jura.

Par la délibération n° 15 du 9 octobre 1946, le conseil municipal de Périgueux décide de « changer en rue Georges Vacher la dénomination de la rue du Forum ».

Georges Vacher, né le 22 avril 1922 à Saint-Pierre-de-Côle, en Dordogne « a eu, selon Charles Colin, maire de la localité, dans le discours qu’il prononça le 8 mai 1984, une enfance partagée entre Périgueux où il vit avec ses parents et Saint-Pierre-de-Côle où il passe ses vacances chez ses grands-parents. » Bon élève, il passe le certificat d’études avec mention « Très bien », suit les cours de l’école professionnelle et entre tout naturellement, étant fils de cheminot, à l’école d’apprentissage de la SNCF.

Sportif, il pratique l’athlétisme en particulier au C.O.P.O. où il se distingue comme coureur de 800 et de 1500 m. Georges, en effet, affectionne les courses dans lesquelles il a la possibilité de se surpasser, de lutter pour être le premier. C’est ainsi qu’il remporte plusieurs épreuves régionales et se forge un moral d’acier.

Lorsque survient la Seconde Guerre mondiale, il s’engage, en 1941, au 7ème Chasseurs, refusant, dans une France meurtrie et désemparée, de rester derrière son établi. Il est de ceux qui ont la certitude que la lutte reprendra et veut être prêt pour les combats de la Libération.

Le 8 novembre 1942, à la suite de l’opération Torch (débarquement des forces anglo-américaines en Afrique du Nord), au cours de laquelle de Gaulle et, par conséquent, la France Combattante [nouvelle appellation de la France Libre, depuis le 13 juillet 1942] sont tenus hors du coup), l'armée allemande déclenche l'opération « Attila », le 11 novembre 1942 et occupe la zone Sud.

Dès lors, l'Armée d'armistice cesse d'exister et les engagés sont rendus à la vie civile. « Mais, comme le rappelle Charles Colin, il n’y a pas de repos possible pour Georges Vacher qui, aussitôt, se met au service de la Résistance. » Bientôt, avec quelques camarades, il organise le passage en Espagne de réfractaires au Service du Travail Obligatoire en Allemagne.

Selon Francis Paul Patrouilleau, agent de liaison à Franc-Tireur, son assistant, Georges Vacher « préparait les passages en Espagne de ceux qui désiraient s’engager dans l’armée du général de Gaulle » et « prudent, ne laissait partir un convoi que s’il avait des nouvelles du passage heureux du convoi précédent » et d’ajouter : « Pour assurer lui-même la sécurité du passage de trois jeunes gens et de deux jeunes filles (Rebière, Valette, Colache, Yvette et Flora Molho, morte pour la France), il fut pris à Cerbère par la Gestapo avec tous ses camarades ».

C’est en voulant lui-même franchir la frontière qu’il est pris, en mars 1943, avec quatre de ses camarades à Cerbère et enfermé à la citadelle de Perpignan, d’où il réussit à s’évader. Grâce à l’attestation établie le 22 mars 1948 par le chirurgien-dentiste Barbe, exerçant dans la capitale catalane, nous en savons plus sur cet événement : « Le 11 avril 1943, vers 9 heures 30, un jeune homme d’une vingtaine d’années se présentait, essoufflé, à mon domicile, 50 avenue des Baléares à Perpignan. Il demanda à ma femme - j’étais alors à mon cabinet – de lui permettre d’entrer car il venait de s’évader de la citadelle, distante d’environ 30 mères. Ma femme le cacha alors dans le grenier afin que mes enfants, trop jeunes, ignorent sa présence. Elle lui donna à manger car il était exténué. Quand je le vis à midi, il me fit le récit suivant : il s’appelait Georges Vacher. Ses parents habitaient Périgueux, rue du professeur Peyrot. Il faisait partie d’une organisation qui facilitait le passage en Espagne des jeunes gens appelés en Allemagne. Il fut capturé par les Allemands au moment où il allait franchir lui-même la frontière espagnole à Cerbère. Conduit à la citadelle de Perpignan, il y fut interné pendant 33 jours durant lesquels aucun des moyens employés par la Gestapo pour obtenir des "aveux" - en l’espèce des renseignements sur cette organisation de "passage" ne lui ont été épargnés : cellule, jeûne forcé, coups, etc…A deux ou trois reprises, il a été attaché au poteau avec toute une mise en scène pouvant faire croire à une exécution : peloton, fusils braqués… A bout d’un mois, la surveillance s’étant un peu relâchée pendant un changement de garnison, il résolut, avec un autre détenu, de tenter l’évasion. Dans ce but, ils découpèrent deux couvertures en bandes pour en faire une corde et, le 11 avril, pendant une corvée pour laquelle ils étaient tous les deux volontaires dans l’espoir d’y trouver l’occasion de fuit, le gardien s’éloigna pour surveiller d’autres détenus. C’était l’occasion. Aussi, posant leur paquet, ils coururent vers le mur, fixèrent leur corde et le premier se laisse glisser mais l’autre, pris de peur, voulut descendre trop tôt et la corde cassa. Les deux fuyards glissèrent sur le mur en pente et s’en tireront sans trop de mal. A peine en bas, chacun s’en alla de son côté et le jeune Vacher partit à la recherche de l’avenue des Baléares si proche qu’il ne découvrit qu’une heure après. Mon nom lui avait été donné par un de mes amis de Périgueux, son voisin, Monsieur Jeandot. Cette évasion constitue un exploit remarquable, car la Citadelle, placée sur une hauteur, bordée d’un mur de soutènement, domine la ville d’au moins quinze mètres. Le soir même, après m’être assuré que la gare ne semblait pas être particulièrement surveillée, j’y conduisis Georges Vacher, après lui avoir avancé une petite somme et lui avoir pris son billet. Quelques mois plus tard, étant de passage à Périgueux, Madame Vacher, sa mère, en me remboursant, m’apprit qu’il était arrivé sans encombre et qu’il était dans un "maquis" de la région. »

Francis Patrouilleau qui est arrêté, avec sa mère, elle-même membre de Franc-Tireur, suite du démantèlement d’une filière d’acheminement de résistants vers l’Espagne par la Sipo-SD, le 26 mars 1943 et qui, après un internement de sept mois, précise « qu’après s’être évadé de la citadelle de Perpignan, il avait repris le combat dans la région des Eyzies, aux côtés de son oncle, Séverin Blanc. Puis, ajoute-t-il, il avait rejoint, en novembre, l’Ecole des Cadres du maquis du Haut-Jura ».

« Nous étions, nous a confié Joseph Moncassin, un de ses camarades de combat, dans un service dénommé Périclès, formation des cadres pour les maquis. […] Il se créa un cadre paramilitaire susceptible de discipline physique et intellectuelle tout en se préparant à la guérilla pour prendre en main ces jeunes réfugiés dans les forêts et les montagne et éviter le découragement passif. La direction du M.U.R. désigna comme chef national, en avril 1943, Brault et Robert Soulage, alias « Sarrazac » créa le service des Ecoles des Cadres et les maquis-écoles sous le nom de Périclès, avec les maisons-mères "Le Louvre" et "La Lavanderaie". Le maquis du Haut-Jura est issu tout droit des unités de combats Périclès et demeure un exemple de ce qui peut être accompli grâce à une certaine éthique morale. »

415271773 388912990172344 4602395916343519104 nLe capitaine Vernerey, alias Martin, qui a eu à son service à l’Ecole des Cadres du maquis du Haut-Jura le soldat Vacher Georges, alias Egward, du 1er novembre 1943 au 21 avril 1944, affirme que « rentré comme simple soldat au maquis, [il] fut nommé très vite caporal grâce à son courage et à sa bonne conduite » et que « toujours volontaire dans toutes les corvées et les coups de main les plus périlleux, il sut se faire aimer de ses chefs et de ses camarades par son entrain et sa bonne humeur ». Il ajoute : « très intelligent, il suivit les cours de l’Ecole des Sergents d’où il sortit dans les premiers. »

Georges Vacher est connu, dans les Maquis du Jura, sous le pseudonyme d’« Egward », Vacher Gabriel, si l’on s’en réfère à l’annuaire du service Périclès et sous celui de « Hecvar » (anagramme de Vacher), pour les auteurs du livre Maquis du Haut-Jura.

« Nous le connaissons sous ce nom » souligne Joseph Moncassin, son compagnon d’armes qui ajoute : « Nous avons pataugé longtemps dans la neige, avec des jours sans ravitaillement, couchant sous les sapins et presque sans armes jusqu’en mars 1944. Les chalets des alpages étaient pour nous des hôtels 5 étoiles quand ils étaient vides mais nous nous chargions de poux et de gale. Pas de lavabo, pas de toilette. Notre insigne, notre écusson : un pou avec une Croix de Lorraine et "Je pique". Nous crapahutions toujours de nuit, souvent le ventre creux, pas longtemps à la même place, sans uniforme. »

François Marcot, dans son ouvrage La Résistance dans le Jura (Edition Cêtre, 1985), parle du « Haut-Jura […] par tradition hostile à l’occupant » qui, « avec ses montagnes et ses bois, […] dispose d’un terrain favorable à la guérilla. » et évoque « les représailles contre la Résistance qui a transformé la région en une zone d’insécurité pour l’occupant ».

« Dès septembre 1943, rapporte Joseph Moncassin, le camp Martin est à Tahure, après un stage aux Tapettes. Georges Vacher est nommé sergent comme tous les cadres (c’est aussi mon grade) et part au camp Daty, au peloton n°2. Début février 1944, le camp Martin éclate pour sécurité (nous n’étions pas encore bien armés) à cause des concentrations allemandes dans le Jura. Nous sommes repartis dans les familles du secteur Nous couchons dans les granges, mais nous sommes bien nourris (appréciable). Cette période de repos dure jusqu’au 15 mars 1944, date du premier parachutage d’armes. "Hecvar" était à Samiat (30 habitants) et moi à Ranchette (50 habitants), distants de 10 km environ. Le parachutage réceptionné, le camp Martin s’installe à la Versanne et commence le dégraissage des premières armes (FM, Sten, grenades,…) Ensuite, on procède à l’installation des Granges, les parachutes nous servant de maison, avec l’aide des sapins. Puis c’est l’aménagement des positions de combat pour les 5 groupes. "Hecvar" fait partie du G1 avec Brest, chef de groupe et moi du groupe 3 avec Rémy, chef de groupe. Nous commençons à peine de récupérer que le vendredi saint 7 avril, les troupes allemandes, estimées à 1500 hommes par le sous-préfecture de Saint-Claude, attaquent le maquis du Haut-Jura et, en premier, notre camp de la Versanne ».

Les Allemands veulent en finir avec la Résistance qui tient les hauts plateaux. « Les barbares du régime nazi, note François Marcot, dans son ouvrage La Résistance dans le Jura, réagissent massivement avec une violence inouïe. A l’aube du vendredi 7 avril 1944, des unités de la Wehrmacht tentent d’anéantir le camp installé dans le bois de la Versanne, au sud de la commune de Larrivoire (Jura). »

Par Joseph Moncassin qui fut l’un des protagonistes de cet affrontement, nous connaissons la suite : « La sizaine Aramis est en place au début du combat puis les hommes du groupe Garrivier, ceux de Brest et le groupe Basané seront vite à leur place. Le groupe Rémy sur la crête sera alerté par les tirs de la sizaine Aramis et ils seront vite repérés par les Allemands en venant sur leurs positions. Dès les premiers tirs, les Allemands lancent des grenades fumigènes afin d’évacuer leurs camions directement menacés et se réfugient dans les fossés, derrière les talus ou à l’abri des tas de fumier disséminés dans la prairie ? Ils essayèrent en vain de mettre en batterie les canons tractés. Vers 11 heures, ils mettent en batterie dans un virage un gros mortier et arrosent systématiquement le sommet du bois. Plusieurs obus tuent Rémy, Dugay, Dutay et blessent sérieusement Bonhomme et plus légèrement Berger, tous du groupe Rémy. L’adjoint du /chef de camp demande à Brest d’envoyer un FM de la sizaine Brution, avec "Hecvar ", Bruno, Thierry et Brution et de prendre position aux emplacements du groupe Rémy décimé et, là, "Hecvar " sera très sérieusement blessé et n’en réchappera pas. Thierry, très sérieusement touché, s’en tirera. Bruno, et Brution seront légèrement touchés. "Hecvar "est blessé à mes côtés (4 à 5 m). Avec Denis, nous étions dans un gros trou fait par un sapin arraché, protégés par les racines, comme je l’écrivais au début de ma lettre. A 17 heures, c’est l’heure du repli avec, comme consigne, de partir avec armement et munitions et d’abandonner toutes nos affaires personnelles dans les haies, ce qui fut fait. Le calvaire débutait pour une quinzaine de jeunes traqués par l’ennemi, sous la pluie incessante, dans les bois, sans habit pour se changer et une nourriture plutôt rare, si ce n’est du lait. »

« Le sergent EGWARD, note le capitaine Vernerey, alias Martin, se distingua tout particulièrement, blessé gravement dans les reins, n’abandonna son poste que sur mon ordre ».

Cependant, comme on peut le lire dans l’ouvrage Vendredi Saint à la Versanne – Haut-Jura, avril 1944, le Maquis témoigne (Imprimerie Gabriel Lardant, Hauteville-Lompnes, 1988), « Hecvar qui a été blessé au ventre en même temps que furent touchés les membres du Groupe Rémy a disparu après que Brest l'ait envoyé se faire soigner dans un premier temps. »

Selon les témoignages et souvenirs recueillis par Rancy pour les besoins du livre Maquis du Haut-Jura, 1943-1944, (C.E. Imprimeries, 1992), « grièvement blessé par éclats de mortier, il disparaît de la tente d’infirmerie où il avait été conduit et se réfugie à la scierie de Vulvoz, au lieu-dit "le Moulin" où Talon et Vaillac le récupèrent et le transportent dans une grange près de Choux. »

Dupré (Louis Sifantus), le médecin du P.C. et le seul de tous nos camps à l'époque sauf erreur qui, envoyé en direction de la Versanne, à la fois en sa qualité de toubib et en tant qu'adjoint au Commandant, arrive dans la nuit, fouille le camp désert et ne trouve que quelques traces de sang. « Dans la matinée du lendemain, lit-on dans Vendredi Saint à la Versanne, il était aux alentours de Choux, allant de ferme en ferme pour essayer de trouver des renseignements et si possible des blessés. Mais les Allemands étaient par là se livrant aux mêmes recherches. C'est alors qu'il découvrit dans une ferme un mourant, dont il ignorait l'identité, et qui avait reçu dans le ventre des éclats de mortier. Il n'y avait déjà plus rien à faire compte tenu du type de blessures dont il était atteint, si ce n'était de rendre sa fin la moins pénible possible. Et entre autres il fallait éviter qu'il soit trouvé dans cette ferme, risquant d'être achevé voire torturé, et ses hôtes fusillés, à tout le moins leur ferme brûlée. Dupré le fit donc transporter dans un abri assez loin de la ferme, masqué par des fourrés très denses. Il devait y recevoir les soins des fermiers qui l'avaient recueilli. » Mais, comme le précise l’ouvrage Maquis du Haut-Jura, « il ne le retrouve pas lors d’un second passage. Son cadavre sera retrouvé le 21 avril sur la commune de Rogna à environ un kilomètre au nord de Choux, au lieu-dit "La Vignette" ».

La mort de Georges Vacher dont Joseph Moncassin dit qu’il « fait à jamais partie de ces braves morts au printemps de la vie » a été à l’origine d’une polémique car le capitaine Vernerey, alias Martin, dans un courrier adressé au père de Georges Vacher met en cause le docteur Constant Bret : « Ce dernier (Dupré), ne pouvant le soigner lui-même, fit appel au docteur des Bouchoux, Maire de cette dernière localité, qui refusa de le soigner "acte de trahison de la part de ce dernier", car si Egward avait eu les soins nécessaires, il serait parmi nous et pourrait fêter notre victoire et continuer avec nous notre glorieux combat jusqu’à la Victoire finale ; malheureusement, par la faute d’un mauvais Français, notre cher camarade est mort pour la Patrie. ».

Le médecin en question, sollicité de façon épistolaire par Gabriel Vacher, le père, lui répond qu’il n’a « jamais refusé de donner ses soins à un blessé quand il pouvait le faire » et tente de replacer l’événement dans son contexte : « La circulation était interdite à tout véhicule […] Mon état de santé m’interdisait et m’interdit encore de longs déplacements à pied. […] Je n’aurai jamais pu me rendre à Vulvoz où était soigné votre fils. […] La mort a été causée par de la péritonite. Il n’était pas question ni de piqûre contre les hémorragies, ni d’une transfusion. Seule une opération pouvait sauver le blessé, opération qui ne pouvait se pratiquer que dans un hôpital, c’est toujours ce que j’ai dit aux personnes qui sont venues me trouver aussi bien qu’à son camarade Marcel ainsi qu’à Mesdames Perrin et Paget. […] Si je suis allé plus tard constater le décès, c’est que la circulation était redevenu libre et j’ai pu aller en vélomoteur jusqu’à proximité du lieu où le corps avait été déposé. » Il constata, précise-t-on dans Vendredi Saint à la Versanne, que « sa mort était due uniquement à la blessure reçue à la Versanne » et qu’« il n'avait donc pas subi de violences ».

Inhumé provisoirement dans le cimetière de Larrivoire, avec ses compagnons d’infortune, avec la bénédiction du curé de Molinges, l’abbé Chapeau, son corps fut enfin transféré à Saint-Pierre-de-Côle, son pays natal où il fut inhumé le samedi 6 juillet 1946 en présence de très nombreuses personnalités (parmi lesquelles l’abbé Jean Sigala, fondateur du mouvement Combat en Dordogne) et d’une nombreuse foule d’amis qui avaient tenu à apporter à ses parents éplorés le réconfort de leur présence.

Aujourd’hui, outre la rue Georges Vacher à Périgueux, le nom de ce héros de la Résistance figure sur le monument érigé entre Larrivoire et Vulvoz, dans le Jura, à la mémoire des victimes des combats de la Versanne (ci-contre)… ainsi que sur la stèle érigée sur le lieu même de sa mort et sur celle de la Vierge, érigée après la Seconde Guerre mondiale, sur la commune de Chassal, dans le Jura, par le Curé Chapeau, avec l’aide de ses amis de la Résistance, sur laquelle sont gravés les noms des victimes, des camarades tués lors des combats de la Versanne.

Merci à notre ami jean-paul Bedoin et au comité ANACR DORDOGNE PERIGORD pour ce travail

336529468 1909934396008519 5547910349609334595 nDiana Rowden est écossaise, elle naît le 31 janvier 1915. Elle est la fille aînée du major Alfred Rowden et de son épouse Christian. Peu de temps après la naissance de ses deux jeunes frères Maurice et Kit, leurs parents se séparent. Au début des années 20, sa mère, décide de s’installer sur la Côte d’Azur avec ses trois enfants.

La famille vit dans des villas de location, tantôt à Menton, tantôt sur la presqu’ile du cap Ferrat. Pendant l’été, ils naviguent le long de la côte sur leur bateau, le Sans Peur. Les trois enfants grandissant dans l’insouciance – leurs activités favorites sont la navigation, la natation et la pêche. Ils se rendent rarement à l’école, uniquement pendant l’hiver. En revanche, leur mère les emmène régulièrement assister à la messe dominicale dans les églises de la côte. Avec leurs kilts écossais, ils sont l’attraction des fidèles.

Cette vie idyllique et sans contraintes s’achève lorsque Mrs Rowden décide de rentrer en Angleterre, à la fin des années 20, pour leur offrir une scolarité plus régulière. Diana est une petite fille rousse, à la peau couverte de taches de rousseur, très sportive. Sa mère l’inscrit à l’internat de filles, un endroit que Diana déteste. L’insouciance du Sud de la France lui manque terriblement. L’enfant si gaie se transforme en une jeune femme sérieuse, introvertie, peu liante. A la fin de se scolarité, elle retourne enfin en France avec sa mère et s’inscrit à la Sorbonne, où elle étudie avec beaucoup d’enthousiasme le français, l’italien et l’espagnol. Elle écrit quelques articles pour différents journaux et savoure bientôt sa vie de journaliste indépendante.

Diana n’a que 24 ans et entame tout juste sa vie professionnelle quand la guerre éclate. Par amour pour sa patrie de cœur, elle abandonne tout projet de carrière et s’inscrit comme bénévole à la Croix-Rouge française. Au printemps 40, elle est embauchée dans le service des ambulances anglo-américaines du corps expéditionnaire britannique. Après l’effondrement du front du Nord de la France et la fuite précipitée des troupes anglaises, elle ne se sent plus en sécurité et cherche à retourner en Angleterre. Fin mai, début juin, le chaos et la panique règnent dans le port de Dunkerque. Ne trouvant pas de place sur les bateaux rapatriant les civils vers l’Angleterre, Diana se cache chez des amis en attendant de regagner la Grande-Bretagne, un an plus tard, grâce à une organisation pour réfugiés. A Londres elle se met en quête d’un poste de journaliste mais, après plusieurs mois de vaines recherches, elle décide de se présenter à la WAAF (armée de l’air des femmes auxiliaires). Particulièrement intelligente, elle ne tarde pas à prendre la direction d’un département du service des renseignements de la Royal Air Force.

Au printemps 1943, alors qu’elle se trouve en convalescence à l’hôpital militaire, elle rencontre un pilote blessé dont l’avion a été abattu au-dessus de la France. Depuis son rapatriement en Angleterre, il travaille pour la section française du SOE, et recommande bientôt la jeune femme à ses supérieurs. Le SOE a été créé par Churchill en 1940 pour un combat subversif reposant sur le sabotage et le renseignement.

Le 18 mars, elle est embauchée par la section « F » du Soe connu en France comme le réseau Buckmaster. Le 9 juin 43, elle reçoit son ordre de mission : sous le nom de « Paulette », elle sera courrier pour le réseau Acrobat implanté dans le Jura. Ses faux papiers sont au nom de Juliette Thérèse Rondeau.

Arrivée à Saint-Amour la jeune femme loue une chambre à l’hôtel du commerce. Dès les premiers jours, elle se lie d’amitié avec l’opérateur radio du réseau, John Young alias « Gabriel », également écossais. Il a installé son poste émetteur-récepteur sous les toits de la forteresse médiévale d’Andelot-lès-Saint-Amour. Il envoie ses messages la nuit en s’aidant d’une batterie automobile.

Bien épaulé par le groupe SOE « Clerc » de Saint-Amour Diana sert de relais entre les différents groupes du maquis répartis sur les montagnes du Jura. Elle doit les informer des livraisons d’armes et les aider à trouver des endroits propices au parachutage de fusils et de munitions. Quand les distances ne sont pas trop grandes, elle prend sa bicyclette et ne prend le train que pour les distances supérieures à 100 kilomètres. Les résistants français, qui admirent son engagement, la décriront après la guerre comme une femme « sans peur ».

Au cours des premières semaines, Acrobat se développe de manière sûre et satisfaisante. Personne ne se doute un seul instant que chaque mouvement du réseau est épié par le SD. En juin, « Bob », responsable du réseau, est arrêté par la Gestapo. Du coup, Diana et John Young ne sont plus en sécurité. La nuit suivante, ils quittent secrètement Saint-Amour, parviennent miraculeusement à semer leurs poursuivants et se cachent pendant quelque temps chez les Janier-Dubry, une famille de résistants qui possède une scierie à Clairvaux-les-Lacs. Ceux-ci expliquent à leurs voisins que Diana est leur cousine Marcelle qui vient se refaire une santé à la campagne. Marcelle de son coté, teinte sa chevelure et change de coiffure.

336670757 576097061245904 2312262750554241475 nMais toutes ces mesures de précaution ne suffisent pas. La malchance ramène les Allemands sur la piste des fuyards. Dans la nuit du 16 novembre, la Gestapo arrête 5 agents de la section « F » près d’Angers. L’un des 5 agents s’effondre pendant son interrogatoire et révèle à ses bourreaux les détails de sa mission : il doit se rendre chez les Janier-Dubry pour y trouver Diana et John. Pour prouver son identité, il porte sur lui une lettre manuscrite de la femme de Young. Young, qui a été prévenu de sa venue la semaine précédente par un message radio, attend la visite d’un certain « Benoit ». Le SD, ravi de retrouver la trace des deux disparus d’Acrobat, envoie immédiatement un de ses hommes se présenter au rendez-vous.

Au matin du 18 novembre, Diana aperçoit un inconnu qui s’approche de leur maison. Les Janier-Dubry absents, c’est elle qui ouvre la porte à cet homme. Sa méfiance disparait lorsqu’il se présente sous le nom de « Benoit » et qu’il lui présente la lettre de l’épouse de Young. Soulagée, Diana et Young ne se méfient pas lorsqu’il leur annonce qu’il doit retourner à la gare pour y chercher ses bagages. Lorsque Benoit revient le soir, il est accompagné d’une escouade de feldgendarmes en uniforme, armés de mitraillettes. En l’espace de quelques secondes, la maison est encerclée, Diana et John arrêtés avec tous les membres de la famille Janier-Dubry. L’anéantissement de ce réseau va entrainer notamment la déportation de 3 femmes jurassiennes qui en faisaient partie : Ida Poly née Janier Dubry, la famille Mathy de Montmorot adhérente également du réseau déporté à Ravensbruck, le père rentré, la mère Cécile non rentrée et la fille Odette rentrée

Le lendemain, Diana et John sont transférés pour subir un interrogatoire. Ils seront tenus prisonniers plusieurs semaines dans des cellules individuelles. Début décembre John Young est déporté dans un camp de concentration allemand pour y être exécuté. Diana Rowden elle, reste enfermée à Fresnes encore 5 mois avant d’être à son tour emmenée en Allemagne pour y être exécutée.

A l’aube du 6 juillet 1944, entre 4 heures et 5h30, quatre des prisonnières sont réveillées par leurs gardiennes de Karlsruhe, qui leur ordonnent de se préparer pour leur départ. Parmi elles Diana Rowden.

Lili Simon, une employée à la direction de la Gestapo de Karlsruhe, responsable de la mise à jour de la liste des détenus, croit se souvenir de la déportation des 4 femmes : « Sur ma liste, j’ai noté « transfert à Natzweiler, motif d’incarcération : soupçon de SP (espionnage) ». Mme Veroy, Wassmer, Hirt et moi accompagnions les jeunes femmes. Elles étaient attachées deux par deux par des menottes. Nous avons pris l’express pour Strasbourg puis un autre train. Puis, Wassmer a poursuivi seule la route avec elles en voiture. Comme il nous l’a raconté le lendemain, il a dit à ses prisonnières qu’il les emmenait dans un camp de travail. »

De sa création en 1940 jusqu’au mois de septembre 44, lorsque le camp est évacué par les SS devant l’avancée alliée en France, plus de 20 000 personnes ont laissé la vie au camp de Natzweiller-Struthof qui se situe en Alsace.

L’arrivée de ces quatre femmes au camp ne passa pas inaperçue, car c’était un camp réservé aux hommes. Le soir même, tous les hommes du camp reçurent l’ordre de fermer la porte de leur baraque et d’éviter de regarder par la fenêtre. Vers 22 heurs, les femmes furent extraites du bunker. A tour de rôle elles furent emmenées dans une petite pièce située près du crématorium, où on leur fit une piqure dans le bras. Ces injections contenaient du phénol, un poison mortel. Elles sont sans doute mortes de longues minutes plus tard, quand le liquide a atteint leur cœur et leurs poumons. Puis, on les a déshabillées et placées dans les fours crématoires.

L’un des survivants du camp a pu décrire avec précision les quatre femmes. C’est l’opérateur radio Brian Stonehouse. Il a identifié Diana Rowden : « Elle était de taille moyenne, assez forte, avec un bandeau de couleur dans ses cheveux blonds et courts, elle semblait avoir environ 28 ans. Son manteau en flanelle gris était particulièrement élégant et elle avait une jupe grise, ce qui lui donnait à mon gout un air très anglais. »

En mai 1945 Eisenhower loue particulièrement la section « F » pour son rôle « très important lors de notre victoire totale sur l’Allemagne ». Cette section F a notamment parachuté en France 39 femmes, avec une espérance de vie de quelques semaines. 2 sont intervenues dans le jura : Diana Rowden et Yvonne Baseden, Odette, arrêtée en juin 1944 elle survivra au camp de Ravensbruck et décédera en 2018.