Vous trouverez ci-dessous les activités de l'année 2021 les plus marquantes de l'ANACR Jura. Malheureusement nos actualités sont toujours impactées et limitées par la crise du Covid-19...
C'est avec une grande peine que nous avons appris le décès de notre ami Jean Bourgeat déporté de Saint-Claude raflé le 9 avril 1944.
Il avait été déporté à Buchenwald matricule 51864, puis dans la mine de sel de Wansleben am See. Combattant volontaire de la Résistance.
Jean était membre du bureau départemental de notre association et répondait toujours présent à nos réunions et à nos demandes pour témoigner dans les écoles ou comme en 2018 à la table ronde de la Résistance organisée à la Préfecture du Jura. Il était aussi un chanteur hors du commun et il ne manquait jamais de nous chanter un chant ouvrier à la fin d'un repas.
Nous avons eu la chance de l’entendre témoigner de son parcours difficile, de l’entendre nous parler de Saint-Claude et de la Fraternelle qu’il aimait tant raconter, de l’entendre chanter des chants ouvriers. Nous avons eu la chance de connaitre son grand humanisme, sa simplicité et son rire. Nous avons surtout eu la chance de partager des moments simples et de convivialité autour d’un verre ou d’un bon repas, il aimait tellement ça.
Lui qui avait connu l'enfer ce fut pour nous le paradis de le connaitre et il restera pour nous un guide.
Hommage de Jean-Claude Herbillon président de l'ANACR Jura le 9 avril 2021 :
Jean Bourgeat 10 novembre 1924 - 5 avril 2021
Combattant volontaire de la Résistance
Homologué au titre de la Résistance intérieure française
Déporté avec plus de 300 Sanclaudiens lors de la rafle du 9 avril 1944 dont on commémore l’anniversaire aujourd’hui, il portera le matricule 51864.
Issu d’une famille pauvre et ouvrière, son père avait fait la guerre de 14 et présentait des séquelles. Suite à la séparation de ses parents il est accueilli chez ses grands-parents. Sa mère est malade suite à un avortement clandestin et il est lui-même atteint par la poliomyélite avec séquelles de la jambe gauche. Jean est contraint d’arrêter sa scolarité après le certificat d’études pour aller travailler chez un maître pipier.
Réfractaire au STO il est dans la clandestinité. Très jeune il a participé aux activités culturelles de la Maison du peuple « La Fraternelle » la maison mère du système coopératif du Haut Jura. C’est à partir de la Frat qu’il rend service à la Résistance en faisant la liaison avec Lamoura.
Déporté donc à Buchenwald Kommando de Wansleben (mine de sel afin de construire une usine souterraine) il est libéré en 1945 après une marche de la mort. Il rentre à Saint-Claude le 22 avril 1945. Après une période de repos dans un centre créé par le comité de la Résistance, il reprend le travail comme diamantaire.
Jean a mis très longtemps avant de pouvoir témoigner l’émotion étant trop forte.
Membre jusqu’à aujourd’hui du bureau départemental de l’ANACR, toujours présent aux AG, aux réunions, commémorations, … il était un véritable militant de la mémoire.
Il a souvent témoigné aux côtés de son ami Bernard Bouveret disparu en 2020. Ils étaient très proches, celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas. Le message de la famille Bouveret suite au décès de Jean montre bien la proximité entre les deux hommes: " Sincères condoléances à la famille de Jean, de la part de la famille de Bernard Bouveret. Nous sommes très tristes, nous nous sentions proches de lui par notre papa, car ils avaient beaucoup de points communs et étaient bons copains. Nous aimions l' entendre chanter lors du congrès départemental des déportés. Il chantait avec notre maman, il y a bien longtemps. Jean était très agréable, discret, modeste, et son humour cachait une certaine tristesse, et une émotion toujours vive. C'était une belle personne."
Le 31 mai 2018 ils avaient tous les deux participés à une table ronde sur la Résistance organisée par l’ANACR à la préfecture du Jura, ils étaient accompagnés de René Rocquelle de Dole (Champvans) et d’Anette Montel Saint Paul de Champagnole disparue en janvier 2021.
J’ai un souvenir très marquant d’une intervention commune. Il y a quelques années, dix peut-être, j’intervenais au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) dans le cadre d’un stage de citoyenneté. Un des participants au stage m’avait été signalé par le service comme condamné pour avoir défilé dans un lycée de la région en tenue nazie avec un camarade. J’avais donc invité Jean à participer avec moi, sur les deux heures qui nous étaient imparties. L’intervention avait lieu en après-midi, aussi j’avais invité Jean à déjeuner à la maison. Il m’avait alors fait part de ses craintes de rencontrer un petit facho, un militant d’extrême-droite ou un révisionniste. Il y avait même un peu de peur pour Jean qui était déjà un vieux monsieur. Je l’avais rassuré en lui disant qu’on pouvait interrompre en cas de besoin. Je me souviens comme si c’était hier du face à face entre Jean et ce jeune homme qui n’était pas un militant d’extrême-droite. Cela c’était terminé avec les larmes du déporté et du jeune homme qui se confondait en excuses. Quelques mois plus tard Jean en avait reparlé au cours d’une intervention au lycée Jean Michel en disant aux élèves que cette action idiote du jeune homme était en fait un jeu pour s’amuser. Vous comprenez avait-il dit aux élèves on ne peut pas, on ne doit pas s’amuser avec ça, c’est trop grave et vraiment indécent envers tous ceux qui ne sont pas rentrés des camps.
Jean était un homme discret, aux idées bien trempées, communiste, libre penseur, militant ouvrier et de la mémoire. On n’était pas toujours d’accord, mais ses positions étaient toujours marquées par le souvenir de ceux qui ne sont plus là.
Tu vas nous manquer Jean, tu vas me manquer, toi le bon vivant à « l’appétit féroce » qui ne rechignait pas à finir son verre, tu connaissais tous les restaurants du Haut-Jura, un véritable guide gastronomique. Tu poussais la chansonnette à la fin des repas, des réunions, de préférence un chant ouvrier puisé sans doute dans les archives de la Frat et que tu avais entendu et chanté dans ta jeunesse et dans ta carrière d’ouvrier revendiquant. Tu adorais la nature, si reposante. Tu nous indiquais des parcours de rando et malgré « ta patte folle » tu allais souvent à la rencontre des ruisseaux, des belvédères, des fleurs de ta région.
Tu vas nous manquer au rassemblement de la Borne aux lions au crêt de Chalam haut lieu de Résistance Ain/ Haut-Jura mais aussi à Charchilla le 11 juillet.
Beaucoup de gens de l’ANACR Jura auraient aimé t’accompagner aujourd’hui mais la pandémie nous en empêche, pas de dérogation possible. Nous aurons l’occasion un peu plus tard de te rendre hommage à Saint-Claude ainsi qu’à Lons le Saunier.
Je terminerai par tes propres paroles : « l’important est que la mémoire exacte de ce que l’on a vécu ne soit pas déformée parce qu’il y en a qui s’emploient à le faire. Et pour les générations futures c’est très important que les faits tels qu’ils ont été vécus par nous-mêmes soient maintenus, qu’il n’y ait aucune déformation. »